jeudi 8 mars 2018

Revue Philosophie n°137

Editions de Minuit - Mars 2018


Ce numéro s’ouvre sur la traduction, par Quentin Kammer et Henri Wagner, d’un texte de Nelson Goodman intitulé « Snowflakes and Wastebasket », dans lequel il rend hommage au philosophe américain C. I. Lewis et revient sur l’un des moments phares de son chef-d’œuvre Mind and the World Order : le traitement du problème du statut de l’ordre du monde ou de l’expérience. On devrait ainsi mieux mesurer le legs de Lewis et de son pragmatisme conceptuel chez Goodman – notamment dans sa nouvelle énigme de l’induction – et dans la philosophie contemporaine en général.
L’article intitulé « Sur la question de l’existence objective des processus dans la nature inanimée » (1897) du physicien autrichien Ludwig Boltzmann, qui le considère comme étant son seul article philosophique, présente une défense de l’atomisme ; or il n’a fait l’objet d’aucune discussion dans les études portant sur l’épistémologie de Boltzmann, pas plus que dans la littérature philosophique contemporaine sur le réalisme scientifique. Dans « Boltzmann et la réalisme scientifique », Nadine de Courtenay tente de remédier à cette négligence, en montrant que ce texte révèle un pan méconnu de l’histoire de la philosophie des sciences qui intéressera au plus haut point les débats actuels sur le réalisme scientifique.
Dans « du “je parle” au “je pense” », Laurent Villevieille s’intéresse au débat qui opposa Trendelenburg à Bonitz, celui-là défendant la thèse de l’origine grammaticale des catégories, celui-ci affirmant leur caractère ontologique. À cette fausse alternative, l’auteur en substitue une autre, à son sens plus féconde et décisive, entre catégories de langue et catégories de pensée. À cette fin, il confronte les thèses de Trendelenburg et de Brentano et met au jour deux façons distinctes de rendre compte de la relation des catégories au réel : la proposition vraie ou fausse d’un côté, la croyance comme instance doxique de l’autre.
« Le temps avant et après le récit » de Jérôme Porée est consacré à la pensée de Paul Ricœur, qui affirme que « le temps devient temps humain dans la mesure où il est articulé de manière narrative ». Une brève histoire du temps avant le récit permet d’abord de justifier cette thèse. Mais Ricœur en marque lui-même les limites lorsqu’il constate, dans certaines souffrances, l’« incapacité de raconter » – une incapacité qui dure et oblige à se demander ce qui reste du temps après le récit ; son œuvre entière suggère que c’est la forme vide de l’espérance, où s’enracinent toutes nos capacités et qui relie originairement le temps et l’autre.
« Voir et remarquer : Dretske sur la cécité au changement » d’Émile Thalabard est centré sur le phénomène de la cécité au changement, à propos duquel s’affrontent deux interprétations qui considèrent respectivement ce phénomène comme un déficit perceptif ou cognitif ; Dretske défend la seconde, l’attribuant à un échec à comparer deux représentations conscientes successives. L’auteur examine l’argument qui l’étaye, avant de critiquer la conception riche de l’expérience qui est associée à l’explication cognitive, ainsi que le critère épistémique proposé par Dretske pour la justifier.
D.P.

Sommaire

Nelson Goodmann
Flocons de neige et corbeilles à papier
Présenté par Quentin Kammer et Henri Wagner

Nadine de Courtenay
Boltzmann et le réalisme scientifique : de l’épistémologie des sciences de la nature à la philosophie comme clarification du langage

Laurent Villevieille
Du « Je parle » au « Je pense » : l’origine des catégories selon Trendelenburg et Brentano

Jérôme Porée
Le temps avant et après le récit

Émile Thalabard
Voir et remarquer : Dretske sur la cécité au changement

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