jeudi 10 avril 2025

Fabrice Bourlez : Tacts. Remanier la psychanalyse avec les féministes et les queers

 PUF - Avril 2025


La psychanalyse est dans la tourmente. Concurrencée par des thérapies de toutes sortes, critiquée par les militant·es qui lui reprochent des erreurs flagrantes en matière de genre et de sexualité, elle doit aujourd'hui être remaniée de fond en comble. C'est avec la notion de tact que Fabrice Bourlez nous propose d'opérer. À la croisée des travaux de Sigmund Freud, Jacques Lacan, Jacques Derrida, Luce Irigaray, Judith Butler ou Eve K. Sedgwick, il retrace l'histoire du concept, souligne son importance pour la clinique et le diffracte en technique, métapsychologie et politique. Il lance un appel vibrant pour mettre le tact au pluriel : il faut des tacts à la psychanalyse pour qu'elle continue d'entendre. Ce « des » renvoie aussi bien aux différentes manières de réapprendre à toucher et à être touché·e qu'aux multiplicités qui traversent désormais le champ des genres et des sexualités. Ce « des » est aussi celui « des » autres, innombrables et toujours singuliers, qui croisent nos vies et peuplent nos inconscients.

Fabrice Bourlez est psychanalyste et enseigne la philosophie à l'École supérieure d'art et de design de Reims. Il est cotitulaire de la Chaire « Troubles, alliances et esthétiques » à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris et transmet la clinique à l'Institut international de psychanalyse (Brésil). Il est l'auteur de Queer Psychanalyse (Hermann 2018).

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Olivier Gaudefroy : Hypatie. L'Étoile d'Alexandrie

 Arléa - Avril 2025


La vie d'Hypatie d'Alexandrie (IVe-Ve siècle) est exceptionnelle à plus d'un titre : savante à une époque où les femmes étaient cantonnées aux activités domestiques ; païenne alors que la religion chrétienne était devenue prédominante ; célibataire quand le célibat des femmes était très mal considéré. Une vie aussi hors norme ne pouvait se terminer de façon paisible ; sa mort par lapidation, en 415, la fera entrer dans la légende.

Né à Orléans, Olivier Gaudefroy est romancier et auteur d'essais historiques dont Hypatie, l'étoile d'Alexandrie et Cléopâtre l'immortelle aux Éditions Arléa.

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Donald Davidson : Paradoxes de l’irrationalité

 Ed. de l'éclat - Avril 2025


« La notion d’action, de croyance, d’intention, d’inférence ou d’émotion irrationnelle est paradoxale. Car ce qui est irrationnel n’est pas simplement ce qui est non rationnel, ce qui se tient hors des limites du rationnel : l’irrationalité est un échec au domicile de la raison elle-même. »
Ces essais de Donald Davidson analysent les conditions sous lesquelles le comportement d’un agent peut être considéré comme rationnel et les sources possibles de certains comportements irrationnels. L’un des paradoxes de l’irrationalité est qu’on ne peut juger un être comme irrationnel qu’à condition de lui attribuer la rationalité dans une large mesure. Davidson discute ainsi de l’attribution de croyances aux animaux et des situations de ‘duperie de soi’ ou d’incohérence cognitive, en tentant de renouveler l’analyse philosophique de certains problèmes que l’on a souvent tendance à considérer comme du seul ressort de la psychopathologie et de la psychanalyse.

Donald Davidson (1917-2003) est l’auteur de nombreux articles ‘séminaux’ qui ont suscité de très larges débats. Après ce premier volume publié en français en 1991, ont paru Actions et événements (PUF, 1993) et Enquêtes sur la vérité et l’interprétation (Jacqueline Chambon, 1993), ainsi qu’un collectif sous la direction de Pascal Engel: Lire Davidson. Holisme et interprétation (L’éclat, 1994). Cette édition de poche est enrichie d’une nouvelle préface de Pascal Engel : « L’irrationnel après Davidson ».

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Aline Caillet, Florian Gaité (dir.) : Les mondes de l'art à l'âge du capitalisme culturel

 PU de Vincennes - Avril 2025


À l’âge du capitalisme tardif qui opère un nivellement industriel du culturel et de l’artistique, comment imaginer d’autres devenirs de l’art à l’horizon d’un monde décolonisé et décroissant et repenser de façon critique le contemporain ?

Comment penser aujourd’hui l’écosystème de l’art et les menaces qui pèsent sur son autonomie ?
Les artistes, militant·es, professionnel·les et chercheur·es ici réuni·es dessinent la trajectoire des mutations – écologiques, économiques, institutionnelles et sociales – nées de l’industrialisation du culturel et de l’artistique. Partant d’une approche philosophique qui s’élargit à la théorie critique et aux études culturelles, cet ouvrage engage une épistémologie du contemporain à même de déconstruire la forme hégémonique du monde de l’art et d’en proposer une autre cartographie. Il interroge les devenirs possibles de l’art en lien avec les aspirations à un monde décolonisé et décroissant, pluriel, inclusif, décentré et égalitaire.
Il constitue un panorama solide à l’attention de celles et ceux qui veulent comprendre ces transformations en cours.

Aline Caillet est professeure des universités en esthétique et philosophie de l’art à l’École des Arts de la Sorbonne (Université Paris 1).
Florian Gaité est professeur de philosophie à l’École supérieure d’art d’Aix-en-Provence (ESAAix) et critique d'art. Tous deux sont chercheur·es rattaché·es à l’Institut ACTE (Arts Créations Théories Esthétiques, EA 7539, Paris 1 Panthéon-Sorbonne).

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Ludwig Wittgenstein : La Grande Dactylographie

 Gallimard - Avril 2025


La Grande Dactylographie a été dictée en 1933. Elle tente un exposé systématique des recherches menées par Wittgenstein depuis son retour à la philosophie en 1929. Mais elle a laissé insatisfait son auteur, qui a d'abord tenté de la corriger et de la compléter, avant de renoncer à donner une forme systématique à ses réflexions. Elle constitue le maillon nécessaire pour se faire une idée précise de l'évolution de sa pensée entre le Tractatus logicophilosophicus, paru en 1922, et les Recherches philosophiques, publiées posthumément en 1953. Son édition en 2001, qui prend en compte les variantes, a comblé une lacune, étant donné que, des deux livres que ses exécuteurs testamentaires avaient tirés des manuscrits des années 1929-1933, l'un (les Remarques philosophiques) représente un état antérieur de sa pensée, et l'autre (la Grammaire philosophique) ne reprend que partiellement le texte de La Grande Dactylographie. Les analyses qui y sont proposées s'organisent autour de deux grands thèmes : le langage et les mathématiques. Le premier, qui occupe les deux tiers du livre, s'attache à déterminer ce que sont la pensée et l'intentionnalité en demandant : Que veut dire "comprendre une proposition" ? Qu'est-ce qui détermine son sens ? Quel est le statut des règles grammaticales qui commandent l'usage des mots ? En quoi consiste exactement l'"accord" entre langage et réalité ? Wittgenstein y montre, en dénonçant le psychologisme qui grève l'abord de ces questions, que l'exploration de l'usage que nous faisons du langage permet non seulement de dissoudre nombre de faux problèmes légués par la tradition philosophique, mais encore de résoudre les problèmes relatifs à la délimitation des frontières du sens - c'est-à-dire, selon lui, les véritables problèmes de la philosophie. Le second thème porte sur quelques points saillants du grand débat des débuts du XXᵉ siècle autour du fondement des mathématiques. Il livre l'exposé le plus clair que Wittgenstein ait donné de ses positions sur ce sujet.

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Hugues Jallon : Le cours secret du monde

 Verticales - Avril 2025


Ce sont des alchimistes, des mages ou des savants, des espions, des révolutionnaires ou des poètes. Inlassablement, ces hérétiques ont cherché une autre vérité dans des régions obscures, aux frontières de la science et de la raison, une vérité cachée capable de sauver une humanité en perdition. Et si leur folie avait encore des choses à nous dire maintenant que les forces occultes du capital ont pris possession de nos âmes, maintenant que le secret est devenu la vérité de notre temps, le coeur de sa puissance de mensonge et de destruction ? Au terme de cette fresque très personnelle, l'auteur dévoile l'enjeu de cette histoire étrange et souterraine : rêver en secret à d'autres mondes, à d'autres vies.

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Philippe Nguemeta, Hervé Benoit Amenguele : Dictionnaire de Karl Popper

 L'Harmattan - Avril 2025


Depuis plusieurs décennies, la philosophie de Karl Raimund Popper nous promène dans une dynamique scientifique indépassable. Divers colloques et livres collectifs sont consacrés à sa pensée. Une interprétation protéiforme s’est dégagée au vu de l’impact de l’anglicisme, des néologismes forgés par ce penseur, du vocabulaire spécifique d’expression germanique, anglo-saxonne et de certains termes techniques qui sont dépourvus d’équivalents dans la langue française.
Ce premier dictionnaire sur Popper comble les lacunes à propos de son abondante littérature et reste fidèle aux textes par souci de scientificité à la théorie critique et à l’épistémologie anti-inductiviste et faillibiliste de ce grand logicien.

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Alexei Yurchak : Les deux corps de Lénine. La science cachée du régime soviétique

 Hermann - Avril 2025


21 janvier 1924 : Vladimir Ilitch, dit Lénine, meurt, à l’âge de 53 ans. Que faire de la dépouille du père immortel de la révolution d’Octobre ?
Dans les mois qui suivent son décès, des discussions ont lieu au sommet du pouvoir soviétique. Le choix de conserver le corps de Lénine est fait, au gré des considérations politiques et des possibilités alors offertes par la science. Objet singulier, ni embaumé, ni cryogénisé, il est depuis plus de cent ans soigneusement préservé par un institut spécialisé aux techniques gardées secrètes. À ce jour, son corps est toujours exposé au public dans un mausolée.
Dans cet essai remarquable, l’auteur se concentre sur la matérialité du corps de Lénine, la biotechnologie inédite qui s’est développée autour de sa préservation, et son rôle politique. Comment et pourquoi la technique perpétue-t-elle le corps de Lénine, au service du pouvoir en Russie ?

Alexei Yurchak est un anthropologue américain d'origine russe, professeur d'anthropologie à l'université de Californie à Berkeley.

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Elsa Godart : Enfanter une étoile qui danse. Phénoménologie du chaos quotidien

 Armand Colin - Avril 2025


Enferrées dans des rythmes quotidiens insoutenables, de la vie domestique à la vie professionnelle, de l’emploi du temps des enfants aux injonctions à être de « bonnes mères », nos vies sont chronométrées et évaluées, sans que l’on puisse reprendre notre souffle. Sans cesse écartelées, le sentiment d’échec est inévitable.
Alors que nous gagnons du terrain sur nos libertés, nous en perdons de l’autre, par l’émergence de nouvelles formes de coercition qui s’expriment dans le contrôle du quotidien. Le constat est simple : la maternité est devenue une guerre qui ne dit pas son nom. Comment en sommes-nous arrivées là ? Que cache cette crise de la maternité où les mères, piliers de la société, continuent d’être écrasées par le mépris et la domination des systèmes patriarcaux ?
En établissant une critique de la vie quotidienne qui prend appui sur des témoignages poignants, Elsa Godart investit un domaine délaissé par la philosophie pour redonner aux mères leur qualité de sujet et interroge leur place, leur rôle social dans la société contemporaine : la maternité est toujours politique.
Ce livre qui se veut un Deuxième Sexe de la maternité, réconcilie la femme et la mère pour qu’advienne une révolution sociale.

Elsa Godart est philosophe, psychanalyste et chercheuse à l’université Gustave-Eiffel et associée à l’EHESS-CNRS. En 2024, elle a fait partie du comité consultatif de la mission gouvernementale sur la monoparentalité. Elle est l’autrice d’une vingtaine d’ouvrages parmi lesquels Les Vies vides (Armand Colin, 2023) ou encore Éthique de la sincérité (Dunod poche, 2025).

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Patrice Maniglier, Étienne Balibar : La Terre ou le Monde. Divergences cosmopolitiques

MIALET BARRAULT - Avril 2025


Étienne Balibar et Patrice Maniglier partagent un constat : la tragédie des migrants, la généralisation des guerres et la crise climatique ont remis le cosmopolitisme au coeur de la pensée politique. C'est sur l'extension de la définition du terme qu'ils divergent. Quand, pour Patrice Maniglier, notre condition terrestre, centrale et déterminante conduit à la nécessité d'une politique de la Terre, dont les acteurs sont aussi non humains, Étienne Balibar lui préfère une politique de l'espèce humaine, dont la spécificité au regard des autres vivants doit être maintenue. L'exploration de ce différend conduit les deux penseurs à préciser les assises et les contours de leur réflexion tout en offrant de nouveaux outils conceptuels aux personnes qui cherchent à appréhender les enjeux brûlants de "notre monde", expression elle aussi amenée à être entendue dans toute sa complexité.

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Céline Marty : L'écologie libertaire d'André Gorz. Démocratiser le travail, libérer le temps

 PUF - Avril 2025


« Lip, Larzac, même combat ! » Au coeur des années 1970, luttes écologistes et émancipation du travail aliénant se rejoignent. Au centre de cette convergence, un mot d'ordre : l'autogestion. Conceptualisée dans l'effervescence contestataire des années 1960 et 1970 par André Gorz, héritier de Sartre et de Marx, l'autogestion est une réponse à l'aliénation du sujet dans toutes ses conditions matérielles d'existence. Ainsi Gorz décline-t-il ce projet émancipateur dans les sphères du travail, des besoins et du temps. Pionnier de l'écologie politique, il montre les limites matérielles de la croissance et les dégâts du capitalisme industriel, en dialogue avec Marcuse et Illich. Critique de la société salariale, il défend la réduction du temps de travail, le temps libre et le revenu universel, en échange avec Habermas et Negri. Dans cet essai, Céline Marty offre une lecture inédite et exhaustive de l'oeuvre d'André Gorz à l'aune de cet idéal d'autonomie. Partant, elle souligne combien celle-ci peut nourrir et guider l'écosocialisme et ses luttes aujourd'hui.

Céline Marty est professeure agrégée et docteure en philosophie. Après la publication de Travailler moins pour vivre mieux (Dunod, 2021) et Ce que la gauche doit à l'écologie (avec Christophe Fourel et Clara Ruault, Puf, 2024), cet ouvrage est issu de sa thèse. Ses recherches portent sur l'articulation entre le travail et l'écologie dans une perspective décroissante.

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Mark Alizart : Astrologiques: Essai sur l'Odyssée

 PUF - Avril 2025


Dès l'époque de Platon, l'Odyssée a pu être pensée comme une allégorie racontant des phénomènes astronomiques sous l'apparence d'un récit d'aventure. Décidant de renouer avec cette hypothèse oubliée, Mark Alizart s'est lancé dans une enquête aussi surprenante qu'inédite, à la recherche des liens existant entre l'épopée d'Homère et les fêtes agraires, entre la figure d'Ulysse et la folie, entre le style du plus grand texte de l'Antiquité grecque et une certaine idée de la comédie, où le monde devient ce qu'on ne peut réparer qu'en le détraquant. C'est une Odyssée très différente qui apparaît au terme de cette lecture décapante : une Odyssée qui tient autant d'Halloween que du carnavalesque, du comique que de la subversion. Après des décennies d'interprétation soit lénifiantes, soit réactionnaires, Alizart redonne à l'épopée fondatrice de la culture européenne toute sa dimension contemporaine.

Mark Alizart est philosophe. En « Perspectives critiques », il est l'auteur, notamment, de Chiens (2018), Cryptocommunisme (2019), et Le Coup d'État climatique (2019). Il a codirigé le collectif Fresh Théorie (Léo Scheer, 2004 - 2007)

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Emma Bourges, Marion Chottin, Gaspard Brun (dir.) : Figures du handicap dans la philosophie occidentale. Une anthologie

 Classiques Garnier - Avril 2025


Les philosophes n'ont pas attendu les disability studies (études de handicap) pour penser les altérités psychiques et physiques qui marquent l'humanité - qu'elles soient nommées « imbécillité », « folie », « boiterie », « cécité », etc., ou tout simplement « infirmités ». Cette anthologie, qui réunit près de 650 textes de la philosophie occidentale de l'Antiquité à nos jours, est là pour l'attester. Elle montre aussi bien les préjugés validistes véhiculés par les philosophes au fil des siècles, que leurs réflexions déjà fécondes sur ce qui sera conçu, au XXe siècle, sous l'appellation de « déficiences ». Elle souligne enfin que nombre de philosophes du passé seraient probablement aujourd'hui qualifiés de « personnes handicapées ».

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mardi 8 avril 2025

Tony Brachet : Apprendre à philosopher avec la psychanalyse

 Ellipses - Avril 2025


Cet ouvrage propose ici un panorama de la psychanalyse sans se limiter aux noms de Freud et de Lacan déjà illustrés dans cette même collection. Un florilège de textes commentés et répartis entre les différents chapitres conduit des origines aux enjeux contemporains. Il ouvre la perspective d’untroisième paradigme, celui d’un retour, non plus seulement à, mais de Freud.
L’hypothèse directrice, que développe un modèle dialectique de la logique signifiante, induit une prise en compte de l’Histoire, tant de la psychanalyse elle-même comme évènement que de l’ensemble des fantasmes qui les co-constituent. Le retour du refoulé, où Lacan marquait la synchronie, n’est, dans cette perspective, rien d’autre que l’Histoire elle-même comme déroulement, hors Sujet, de l’opérativité, qui l’inverse, des mythes individuels et « collectifs ».
On définira comme bidialectique cette approche congruente, sans fusion ni confusion, de la philosophie et de la psychanalyse.

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Joel Whitebook : Sigmund Freud. Une biographie intellectuelle

 Ithaque - Avril 2025



Comment parler d’un individu aussi singulier que Freud en le resituant dans son univers socioculturel, sans le réduire à un grand décor, mais sans non plus faire du « génie » freudien la cause qui explique tout ? L’aspect fascinant de cette biographie tient à la façon dont s’y nouent les éléments les plus intimes de la fabrique de Freud, enfant exceptionnel de cette génération de Juifs qui s’émancipaient, et de sa famille bancale, famille chez qui Whitebook, exploitant des ressources post-freudiennes, met l’accent sur la « mère manquante » (et non plus le père de Freud). Or, dans cet univers, être juif et devenir un individu libre était d’emblée un problème à la fois sociopolitique et existentiel. Par là, l’œdipe (tout à fait bizarre !) de Freud communique avec certaines questions clés de la condition moderne. Et c’est Freud qui devient son propre cas à la lumière d’une psychanalyse soigneusement historicisée et philosophiquement réfléchie. Whitebook – c’est son originalité foncière parmi les biographes de Freud – soutient donc que l’invention freudienne est à double face : clinique, car tournée vers les drames de l’individu (souvent refoulés, y compris par Freud, dans son inconscient), et sociale, puisque critique des processus qui engendrent le « malaise dans la culture » dont la névrose individuelle est l’effet historique. Aussi cette biographie n’est-elle pas de l’histoire culturelle ou une plate contextualisation des idées freudiennes, ni non plus une facile psychanalyse du psychanalyste. C’est au contraire une critique croisée de l’une par l’autre, qui ouvre précisément un accès à ce qui fait de chacun, singulièrement, quelqu’un d’« un peu plus compliqué que ça ».

Joel Whitebook est un psychanalyste et philosophe américain né en 1947. Il vit et exerce à New York. Sa trajectoire intellectuelle a commencé à Berkeley à la fin des années 1960, où il étudiait la philosophie « analytique », qui commençait à s’institutionnaliser aux États-Unis. C’est là qu’il fit deux rencontres décisives : celle de la Théorie critique avec Marcuse, et celle de la « nouvelle gauche » féministe et postmarxiste. Quittant la Californie pour New York, il a ensuite étudié à la New School for Social Research, à l’époque de Hannah Arendt et de Hans Jonas. C’est dans ce contexte particulier qu’il s’est formé à la psychanalyse. Il a ensuite mené une double carrière d’enseignant en philosophie, à la New School, et au Centre de formation et de recherche en psychanalyse de l’université Columbia. Très averti des métamorphoses de la « psychanalyse contemporaine », ses deux registres d’intervention intellectuelle en font un personnage à part sur la scène américaine et internationale.

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Anna Arzoumanov : Juger les mots. Liberté d'expression, justice et langue

 Actes sud - Avril 2025


La liberté d'expression, principe fondamental des systèmes juridiques français et européen, suscite aujourd’hui de nombreux débats et de vives inquiétudes. L’expression « on ne peut plus rien dire », véritable rengaine des repas de famille comme des plateaux télévisés, en est un symptôme révélateur. Au cœur des discussions s’exprime une défiance croissante envers le droit, chargé de protéger et de réguler la liberté d’expression, et une critique fréquente des juges, accusés d'acharnement, de partialité ou d'incohérence dans leur interprétation.
Comment répondre au sentiment ainsi exprimé d’une certaine insécurité juridique, voire d'une application à deux vitesses de la liberté d’expression selon les situations ? Pour nourrir la réflexion, ce livre vise à préciser les contours de cette liberté en France, à clarifier et à discuter les principes selon lesquels il revient aux magistrats de juger les mots. Sur quelles bases légales et quels critères repose la définition de ce qui peut ou ne peut être dit ? Quelles difficultés pratiques les juges rencontrent-ils dans l’évaluation de cette frontière, et comment peuvent-elles être résolues de manière cohérente et juste ?
Cet ouvrage invite ainsi à une réflexion sur le rôle du droit dans la régulation des discours, tout en invitant à un dialogue approfondi avec d’autres domaines du savoir issus des sciences humaines et sociales. Dans un contexte où la liberté d’expression est devenue un enjeu politique majeur, cette démarche est essentielle pour appréhender les défis contemporains auxquels l’institution judiciaire doit faire face.

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Alexandre Kojève : Sophia: Philosophie et phénoménologie (1)

 Gallimard - Avril 2025


Ce livre qui arrive aujourd'hui à la lumière apporte un éclairage inédit sur une figure aussi légendaire que mystérieuse de la vie intellectuelle française du dernier siècle. On connaissait Kojève comme l'un des introducteurs de la pensée hégélienne en France par l'enseignement qu'il avait dispensé à l'École pratique des hautes études dans les années 1930. Un enseignement qui allait exercer une influence cruciale sur la philosophie d'après-guerre en raison de l'auditoire de choix qui le suivait, de Raymond Aron à Jacques Lacan en passant par Georges Bataille, Raymond Queneau ou Maurice Merleau-Ponty. On connaissait les grandes lignes de cette lecture de la Phénoménologie de l'esprit par le compte rendu qu'en avait donné Queneau en 1947 sous le titre d'Introduction à la lecture de Hegel. Mais c'est un Kojève bien différent que révèle ce manuscrit au destin compliqué, écrit fiévreusement entre novembre 1940 et juin 1941 et laissé inachevé. Un Kojève profondément enraciné dans la philosophie russe, pour commencer. Un Kojève, ensuite et surtout, qui donne à sa lecture de Hegel un tour résolument politique, si ce n'est propagandiste, en la plaçant sous le signe du "marxisme-léninisme-stalinisme". C'est une justification de l'URSS qu'il entreprend, en conceptualisant le rôle de l'Empire russe aux prises avec l'histoire universelle, c'est-à-dire contre l'Occident et la social-démocratie bourgeoise. Dans ce premier tome, conçu comme l'introduction d'une oeuvre monumentale, Kojève donne sa définition de la philosophie, expose sa méthode et fixe son but : contribuer à faire advenir le meilleur des régimes, le communisme, dans le pays destiné à cette mission, à savoir la Russie soviétique.

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Rambert Nicolas : La Conscience de Staline. Kojève et la philosophie russe

 Gallimard - Avril 2025


« Que s’est-il passé en Russie hier ? » se demandait Kojève en 1941 dans un livre longtemps enfoui qui vient d’être exhumé sous le titre de Sophia. « Que se passera-t-il en Russie demain ? » s’interrogeait en 1877 le père de la philosophie russe, Vladimir Soloviev, dans les Principes philosophiques de la connaissance intégrale, soucieux alors de découvrir la « parole » que la Russie devait lancer à la face du monde pour le transfigurer. Entre eux, il y eut la révolution et le tournant d’un siècle. Et, si Soloviev fondait un système philosophique prérévolutionnaire où il se faisait, selon le mot de ses admirateurs, la « conscience de la Russie », il appartenait à Kojève à la fois d’hériter de cette Russie et de la renverser au nom du soviétisme, jusqu’à s’affirmer lui-même comme la « conscience de Staline », c’est-à-dire la « conscience de l’URSS ». C’est cette lutte entre la philosophie religieuse russe fondée par Soloviev et la philosophie athée soviétique construite par Kojève qui est analysée ici.
Dans cet essai on découvrira un Kojève réinscrit dans la culture de son pays, mais aussi une pensée importante et, pourtant, méconnue : la philosophie russe, au rôle déterminant dans les destinées d’une nation en pleine ébullition et expérimentation tant artistiques, politiques que philosophiques.

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lundi 7 avril 2025

Esther Tellermann : Toujours l'artiste nous précède. Lacan, l'Art, la Littérature

 Campagne première - Avril 2025


À travers son commentaire singulier des élaborations complexes de Jacques Lacan, Esther Tellermann, poète et psychanalyste, veut réaffirmer la nécessité conjointe de la psychanalyse et de l’Art.
Ce sont bien la spécificité et l'efficience de la psychanalyse et de l’Art qui sont mises à mal aujourd’hui dans l’espace public, au profit des sciences cognitives, du marché des thérapies, et de la prolifération des produits « culturels », sans pour autant qu’il soit apporté quelque tempérance aux malaises contemporains et aux rapports entre les sexes. Or la psychanalyse, qui ne se résout pas à l’adaptation du sujet humain aux idéaux dominants dont chaque jour dévoile les impasses, doit considérer avec sérieux, selon Lacan, ce qu’ont révélé et révèlent, du désir humain et de ses apories, les plus grands créateurs.
Des œuvres comme celles de Sade, par exemple, qui éclaire notre rapport à la jouissance et à la loi qui la limite, ne prennent-elles pas, encore plus qu’hier, tout leur relief ?
Ce n’est en effet, ni le savoir absolu prôné par la science, ni l’abondance des artefacts proposés par les progrès de la technique, ni même la contractualisation et la judiciarisation accrues de la sexualité qui semblent soulager l’humain de l’irrationalité de son destin, de sa douleur d’exister, comme de l’énigme de son désir.
Tel est l’enjeu de ce parcours, qui cherche dans les avancées de Lacan sur la relation de la psychanalyse à l’Art et notamment à la littérature, sinon un viatique, du moins un espoir…

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Revue des sciences humaines 357 | 2025 : Philogynie humaniste

 Septentrion - Avril 2025




samedi 5 avril 2025

Marianne Massin et Gaëlle Périot-Bled (dir.) : Répéter, refaire, reprendre. Enjeux artistiques et esthétiques

 PU de Rennes - Avril 2025


Parce qu’elles résultent de processus de création qu’elles semblent parachever, les oeuvres d’art sont souvent considérées comme des objets définitifs émancipés du temps, des ébauches et des repentirs. Achevées, unifiées, elles proposeraient au regard, à l’écoute, à la réception, l’instauration d’un monde original dans sa clôture propre. Répéter, refaire, reprendre seraient alors des actes suspects de dégrader l’oeuvre par la copie stérile et la duplication. Ce volume veut défendre le parti inverse : certaines oeuvres nécessitent des répétitions ou en sont tramées, « faire » implique souvent de « refaire » et les arts sont tissés de reprises et d’échos ; enfin, à rebours des discours dépréciatifs, la fécondité d’une oeuvre peut se mesurer à l’aune des reprises qu’elle inspire. Ces trois verbes, selon leurs modalités spécifiques, relèvent d’une praxis qui interroge et travaille de l’intérieur le modèle poïétique. Ces pistes sont explorées à la fois sur le versant théorique, et sur le versant pratique en donnant la parole dans deux intermèdes à quatre artistes.

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Aude Haffen et Nelly Mok (dir.) : Vulnérabilité et radicalité. Écritures de soi britanniques et américaines contemporaines

 PU de Bordeaux - Avril 2025


Cet ouvrage s’intéresse à la dyade notionnelle vulnérabilité-radicalité dans un rapport de corrélation, à travers l’analyse d’écritures de soi britanniques et américaines des XXe et XXIe siècles où est évoquée la vulnérabilité physique, psychique et textuelle du « je » autobiographique – son expérience directe, transmise ou réimaginée de violences personnelle, familiale, sociale et politique. Quel « je » autobiographique le récit de ces violences et de ces blessures fait-il advenir ? Face à la vulnérabilité extrême de l’autre, de quelles façons sommes-nous interpelés, en lisant ces textes, dans notre propre vulnérabilité ? Questions auxquelles les autrices réunies dans cet ouvrage tentent de répondre à travers leurs lectures des textes autobiographiques de F. Scott et Zelda Fitzgerald, Jean Rhys, Derek Jarman, David Feinberg, Bhanu Kapil, Eleni Sikelianos, Ruth Ozeki, Amy Uyematsu, Jesmyn Ward et Loung Ung, en mettant en lumière le potentiel radical de l’expression littéraire de la vulnérabilité, quand elle engage conjointement la (re)présentation d’une souffrance intime et l’intensité mobilisatrice d’une relation perlocutoire entre témoin et co-témoin.

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David Labreure et Annie Petit (dir.) : Socialismes, utopies et positivismes

 Hermann - Avril 2025


Au xixe siècle, nombreux sont ceux qui veulent réorganiser la société. Auguste Comte (1798-1857) fonde le positivisme comme prolongement socio-politique de la philosophie positive. À partir de penseurs comme C. H. Saint-Simon (1760-1825), Charles Fourier (1772-1837), Étienne Cabet (1788-1856), Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), etc., émergent des programmes sociaux divers, parfois dits « socialistes », dans les débats, combats et les efforts plus ou moins éphémères de réalisation. Cependant ces efforts sont souvent considérés comme des « utopies ». Sont ici confrontés certains de ces programmes et tentatives pour en dégager les interrogations communes et transversales ainsi que les originalités.

David Labreure est directeur du musée et des archives de la Maison d’Auguste Comte.
Annie Petit, professeur émérite de philosophie à l’université de Montpellier, a publié sur l’histoire de la philosophie, la philosophie et l’histoire des sciences et l’histoire des idées au xixe siècle. Elle a publié notamment Le Système d’Auguste Comte. De la science à la religion par la philosophie, Paris, Vrin, 2016.

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