samedi 1 novembre 2014

Philosophie N° 123 - Foucault : a priori, phénoménologie et histoire de la raison

Editions de Minuit - Septembre 2014


Ce numéro consacré à Foucault s'ouvre par un texte de Wouter Goris, "L'a priori historique chez Husserl et Foucault". Il analyse l'oxymore philosophique qu'est l'a priori historique, dont il retrace l'origine dans le célèbre texte "L'origine de la géométrie" où Husserl thématise l'a priori de l'historicité, c'est-à-dire les structures formelles de tout horizon historique qui précèdent et fondent toute rationalité historiographique. 
Chez Foucault, il s'agit moins d'un a priori de l'histoire que d'un a priori dans l'histoire : formes a priori de la dicibilité et de la visibilité qui caractérisent une épistémè. Le numéro se poursuit avec "L'être de l'homme à travers limites et finitude : Foucault et la critique de l'ontologie heideggérienne", où Claude Vishnu Spaak réfléchit à la notion d'ontologie chez Foucault, pour montrer en quoi la construction foucaldienne de l'ontologie historique se distingue de sa conception heideggérienne comme science transcendantale de l'être. 
Il met en évidence le caractère central de la notion de finitude, ainsi que sa différence chez les deux auteurs : elle fonde chez Heidegger la possibilité de l'existence humaine, lui conférant son horizon de sens ; chez Foucault, la "pensée du dehors" à laquelle s'expose l'homme comme être fini conduit à une démarcation nette entre les registres de l'être et du sens. Dans "La phénoménologie manquée de Foucault : Husserl et le contre-modèle de l'anthropologisme kantien", John Rogove compare les interprétations husserlienne et foucaldienne de l'anthropologisme kantien : Foucault, comme Husserl, attribue à Kant la responsabilité de l'anthropologisation de la pensée occidentale qui, ensuite, a bifurqué en une philosophie du sujet (qui se serait déployée avec Husserl) et en un positivisme anthropologiste qui en serait le complément et le fondement secrets. 
Foucault semble par là méconnaître la critique radicale de la première par la phénoménologie, ainsi que la parenté qui relie la phénoménologie et son propre projet. Dans "L'histoire critique de la raison par Foucault comme remise en cause de la rationalité", Fabrice de Salies dégage la préoccupation centrale de Foucault par-delà la pluralité de ses enquêtes historiques sur les savoirs empiriques et la matérialité des pratiques : mettre en évidence l'historicité de la rationalité, son caractère relatif, variable, limité et subordonné aux jeux conflictuels des relations de pouvoir - dont toute rationalité n'est qu'une expression intellectualisée. 
Dessiner les motifs, modalités et visées de cette histoire critique de la rationalité doit permettre d'apprécier la nature du déplacement qu'il impose à la pensée : faire de la politique la philosophie première. Enfin, dans "Foucault et Lévi-Strauss en miroir", Daniel Liotta oppose les modes d'intelligibilité propres aux deux penseurs : repérer la continuité d'une fonction à travers la variation de ses matériaux pour l'un - l'objet étant défini par ses possibilités de transformation symbolique -, et identifier la continuité d'une forme à travers la variation de ses finalités pour l'autre - les objets de discours étant définis par le devenir multiple de leur "forme". 
Confrontation qui conduit à concevoir en miroir, mais non en opposition, les principes de l'invention culturelle et les figures de notre liberté chez les deux penseurs. D. P.

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