mardi 20 janvier 2015

Marie-Odile Goulet-Cazé : Cynisme et christianisme dans l'Antiquité

Vrin - 20 janvier 2015 - Collection : Textes et traditions


Le cynisme ancien critiquait les valeurs de la civilisation, remettait en cause les hiérarchies sociales, exigeait l’accord entre les actes et les paroles, enseignait le mépris des richesses et recommandait une ascèse radicale. Par là il offrait des points de contact idéologique avec le judaïsme et le christianisme des premiers siècles. Parmi les exégètes et les théologiens du Nouveau Testament, on trouve même des gens – les partisans de la « Cynic hypothesis » –, qui pensent que Jésus lui-même et ses compagnons auraient pu connaître en Galilée des cyniques et qu’en conséquence ils auraient pu être influencés de façon décisive par la morale et les comportements de ces prédicateurs itinérants. Ce caractère cynique du message originel de Jésus serait particulièrement manifeste dans ce qu’on appelle la « Source Q » des Évangiles synoptiques, dès lors qu’on la lit à la lumière des chries grecques, voire cyniques, et à travers la grille de la morale diogénienne. Afin de vérifier la validité de leurs arguments, il était nécessaire d’analyser à nouveaux frais la véritable nature du cynisme, loin des clichés et des a priori, et d’évaluer la portée des parallèles mis en avant par les tenants de la « Cynic hypothesis », en prenant en compte les objectifs visés par les textes et l’esprit qui les anime.
Dans les siècles qui suivirent, les chrétiens, partagés entre l’admiration pour l’ascétisme des premiers cyniques et la répulsion qu’ils éprouvaient à l’égard de l’impudeur et de l’athéisme des « Chiens » de leur époque, adoptèrent des attitudes diverses et parfois opposées, n’hésitant pas tantôt à faire appel à l’exemple des philosophes cyniques, tantôt à insulter et à calomnier ces gens épris de vaine gloire, qui représentaient à leurs yeux une affirmation de la volonté humaine diamétralement opposée à la soumission religieuse de la foi chrétienne. Aller le plus loin possible dans l’approfondissement des liens qui unirent la philosophie la plus dérangeante de l’Antiquité et la religion au message le plus révolutionnaire, sans forcer les textes et sans sacrifier à une quelconque idéologie, tel est l’enjeu de la présente étude.

Marie-Odile Goulet-Cazé est chercheur au CNRS. Elle a publié des études sur le cynisme, le stoïcisme et le néoplatonisme anciens

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