lundi 5 février 2018

Gwenaëlle Aubry : Genèse du dieu souverain

Vrin - Janvier 2018 - Collection : Bibliothèque d'histoire de la philosophie


Cette enquête interroge une double mutation : de l'ontologie aristotélicienne de l'en-puissance et de l'acte vers celle, moderne, de la puissance et de l'action ; et du dieu acte pur vers le Dieu tout-puissant. Elle prolonge dans le champ médiéval les résultats de Dieu sans la puissance qui, lisant la Métaphysique d'Aristote à partir du couple conceptuel de la dunamis et de l'energeia, mettait en évidence une pensée oubliée pour laquelle l'être, et le divin, sont à la fois distincts de la puissance et identiques au bien. C'est un tout autre dispositif que l'on analyse ici, à travers cinq séquences qui vont d'Augustin à Duns Scot : la genèse critique de l'attribut divin de toute-puissance révèle une logique d'excès, qui conduit à poser Dieu non plus comme identique, mais comme indifférent ou incommensurable au bien. De ce mouvement procède, à terme, la figure d'un Dieu souverain, principe hors-la-loi de toute loi. Cette construction théologique va de pair avec un geste ontologique qui, l'associant à l'être, modifie radicalement le concept de puissance hérité d'Aristote. De même que la figure du Dieu-Souverain s'oppose symétriquement à celle, aristotélicienne, du dieu-Bien, de même l'ontologie de la puissance, loin de trouver en elle sa source, s'élabore contre celle de l'en-puissance. En mettant au jour cette rupture aussi souterraine que décisive, l'archéologie ici proposée vise à découpler l'arkhè aristotélicienne des effets - notamment théologico-politiques - qui lui sont d'ordinaire attribués, pour en libérer d'autres.

Gwenaëlle Aubry est chargée de recherches au CNRS et co-directrice, chez Vrin, de la collection "Les Ecrits de Plotin", fondée par Pierre Hadot. Elle est l'auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Dieu sans la puissance. Dunamis et energeia chez Aristote et chez Plotin (Vrin 2006).

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