samedi 19 octobre 2019

Patrice Vermeren : Penser contre. Quatre essais sur la philosophie de Miguel Abensour

Sens & Tonka - Octobre 2019


Selon Patrice Vermeren, Horacio Gonzalez a conceptualisé le geste d’auteur et d’éditeur de Miguel Abensour comme un « processus de libération des textes ». Il s’agit moins pour lui, dit H. Gonzalez, de théoriser sur l’utopie que de l’invoquer avec des textes propitiatoires afin de discerner ses mécanismes et son fonctionnement. Il s’agit de lire Abensour lisant ou éditant des textes oubliés ou retrouvant le fil conceptuel perdu d’autres textes, non pas en tant qu’il en proposerait une interprétation nouvelle qui donnerait matière à légitimer le dispositif spéculatif de son propre système philosophique qu’il chercherait à nous imposer, mais en ceci qu’il nous incite à penser par nous-mêmes avec lui. Soit la dimension d’une nouvelle exigence de la pensée, qui déplace la question de son rapport au politique.

« Abensour était un homme de l’égalité, un homme du conflit pour mieux établir un lien d’égalité. Dans n’importe quel entretien qu’il vous accordait, il s’arrangeait toujours pour rétablir l’égalité, vous poser une question, vous dire qu’il ne connaissait pas telle référence à laquelle vous aviez fait allusion, tandis que c’est vous qui étiez demandeur de ses références et de ses réflexions. Il récusait le paradigme de l’ordre pour celui du lien, tant dans les rencontres individuelles que dans la communauté politique. C’était son côté spinoziste : plutôt qu’un pouvoir sur les hommes, valoriser un pouvoir entre les hommes et avec les hommes, parce qu’il augmente la puissance d’agir. « Qu’est-ce qu’une bonne rencontre, à l’opposé du malencontre, sinon l’événement heureux où se forme entre les hommes un nouveau lien, un nouveau tissu relationnel tel que ce tissu augmente aussitôt la puissance collective d’agir, la puissance d’agir de concert ? ». P. V.

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