PUF - Octobre 2023
Voici vingt ans, le sociologue Éric Fassin a inversé la « question homosexuelle » en se penchant sur la façon dont l'homosexualité interrogeait nos savoirs plutôt que sur la manière dont nos disciplines problématisaient l'homosexualité. Cet ouvrage emprunte un chemin analogue concernant les identifications transgenres. Il ne s'agira pas, en conséquence, d'envisager ces dernières comme un objet d'analyse, mais plutôt d'explorer leurs effets sur l'analyste. Plus précisément, il se penche sur l'agitation que les sujets identifiés comme trans sont à même de susciter aussi bien dans l'espace de la cure que dans l'antichambre de nos théorisations. Plusieurs patients font part de l'apaisement de leur malaise dès qu'ils ont découvert sur Internet le mot « trans » ou le qualificatif « non binaire », de la même façon que, pour les générations précédentes, le terme « gay » avait permis à des personnes se sentant en décalage par rapport à leur entourage de donner un sens à l'insaisissable de leur différence. Plutôt que d'affirmer que ces vocables enferment les individus dans des identités rigides et communautaristes, il serait sans doute plus constructif de les penser sous l'angle des propriétés transfiguratrices du langage. Ainsi, la mise en mots de ce qui demeure informulé ou la mise en forme de ce qui restait jusque-là informe peut apaiser la souffrance.
Nicolas Evzonas est Docteur ès Lettres (Université de Paris Sorbonne), Docteur en psychopathologie et psychanalyse (Université de Paris Diderot), ATER à l'université de Paris Cité, analyste en formation (APF).
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