lundi 10 juillet 2023

Revue Roland Barthes, n° 6 : Barthes et les photographes

ITEM - Equipe Barthes de l’Institut des textes et Manuscrits modernes - Juillet 2023


Bien avant toute une génération de penseurs iconoclastes du XXe siècle, comme Guy Debord, Jean Baudrillard ou Paul Virilio pour ne citer qu’eux, Roland Barthes propose une pensée sur les images alors qu’apparaît l’idée de « Civilisation de l’image », titre d’un recueil paru en 1960 et commenté par Barthes dans le premier volume de Communications. Dès l’origine, Barthes maintient que la photographie est liée au réel, à son référent et refuse la notion de « simulacre » photographique. Il y aurait une vérité de l’image au-delà du fait qu’elle puisse être détournée et composée pour porter un discours : c’est justement ce qu’il démontre et dénonce dans son analyse célèbre de la publicité Panzani. Au contraire, loin d’être une représentation fautive de la réalité, la photographie pour Barthes a une valeur indexicale. Elle témoigne et révèle quelque chose du réel qui ne serait pas forcément visible dans le flux de la vie, et ses analyses théâtrales de Brecht à partir des photographies de Roger Pic en est un indice supplémentaire. C’est aussi ce qu’il nous enseigne dans La Chambre claire en transformant et approfondissant les concepts d’image dénotée et connotée (« Rhétorique de l’image », 1964), d’obvie et d’obtus (énoncés à partir de photogrammes d’Eisenstein, 1970) pour les transformer en punctum et de studium. Ces notions invitent à percevoir la conscience visuelle que Barthes établit et explore dans son essai autobiographique illustré, à la manière d’un petit théâtre intime et néanmoins politique. Depuis la parution en 1980 de cet ouvrage majeur sur la photographie, nombre d´articles et d´essais critiques ont été consacrés à saisir les multiples enjeux de ce qui était initialement une modeste « note sur la photographie » et plus largement la pensée barthésienne sur la photographie, et ce depuis Mythologies. Mais très peu d’études ont été consacrées aux rapports de Roland Barthes avec les photographes eux-mêmes ou même la photographie.

Ce manque d’intérêt pour les relations entre Barthes et les photographes est sans doute lié au fait que lui-même s’est peu exprimé sur les photographes en tant qu’auteurs, Daniel Boudinet, Bernard Faucon, Richard Avedon et Roger Pic faisant figure d’exception. Mais on oublie souvent l´essai de Barthes consacré aux photographies de la Tour Eiffel par André Martin qui consacre une photographie constructiviste et architecturale ou encore sa préface de l’édition italienne consacrée à Wilhelm Von Gloeden dans lequel il prend des positions résolument du côté de la photographie et de l’esthétique du kitsch homoérotiques. C’est également à Barthes que fait appel le fondateur des Rencontres photographiques d’Arles, Lucien Clergue, pour siéger à l’Université d’Aix en Provence en 1979 à son jury de thèse, la première en photographie en France. Sa participation devient une préface à Langage des sables et paraît à titre posthume la même année que La Chambre claire. Là encore, tout en marquant l’histoire de la photographie en France, Barthes prend la tangente d’une photographie.

Rodrigo Fontanari & Magali Nachtergael, dir.

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