jeudi 28 septembre 2023

Philosophie 2023/4 (N° 159) : Charles Sanders Peirce : métaphysique, logique, mathématiques

 Ed. de Minuit - Septembre 2023


Consacré à la pensée du philosophe, logicien et mathématicien Charles Sanders Peirce, ce numéro s’ouvre sur la traduction et la présentation, par Bruno Leclercq, du texte « Les mathématiques les plus simples » (1902). Comme Frege et contre Kant, Peirce affirme le caractère essentiellement déductif des mathématiques, qui ne sont pas la science de la quantité, mais des conclusions nécessaires. Comme Frege et l’école de Boole, il élabore des langages formels pour contrôler l’exactitude des déductions ; mais, voulant comme Kant rendre compte du caractère synthétique des inférences et de bien des énoncés mathématiques, il accorde son attention au rôle sémiotique qu’a le travail de construction et de transformation de diagrammes, entendant prolonger ainsi la théorie kantienne du schématisme.

Si Peirce partage avec maints pragmatistes une méfiance à l’égard de la métaphysique, il en a pourtant revendiqué la possibilité et la nécessité. Dans « Peirce et la possibilité de la connaissance métaphysique », Claudine Tiercelin montre que ce projet métaphysique pragmaticiste qui, sur fond de réalisme, met l’accent sur la logique, la sémiotique, l’enquête et la science, est une source d’inspiration pour qui veut répondre au « défi de l’intégration » et penser les liens entre métaphysique et épistémologie – objectif auquel le métaphysicien doit s’atteler s’il veut poser les conditions de possibilité d’une authentique connaissance métaphysique.

Lorsque, dans son enquête pragmaticiste sur la signification, il entend clarifier ce en quoi consiste la signification, Peirce recourt souvent à une phrase de Jean de Salisbury selon laquelle les noms « nomment des singuliers, mais signifient des universaux ». Quel est l’intérêt de cette référence ? Dans « Peirce et Jean de Salisbury sur le sens », Jean-Marie Chevalier montre que par un usage détourné de la citation, Peirce met en place quelques jalons de sa théorie sémiotique, pragmatiste et réaliste de la signification.

Dans « Peirce face à Hegel : idéalisme, réalisme, nominalisme », Olivier Tinland s’attache à l’attitude de Peirce à l’égard de Hegel, qui semble ambivalente, voire peu cohérente. Si Peirce loue le souci qu’a Hegel de montrer l’importance des trois catégories universelles, en particulier celle de la Tiercéité, il lui reproche de réduire les deux premières catégories à la troisième et de céder à une forme insidieuse de nominalisme. L’auteur évalue la pertinence de ces critiques, notamment celles qui touchent au statut ontologique du possible et des catégories universelles.

Enfin, dans « Lois et limites de l’institution symbolique : Husserl confronté à Peirce et Frege », Dominique Pradelle se focalise sur l’acte d’institution symbolique qui fixe l’alphabet des signes : ce dernier relève-t-il de la libre instauration d’un sens opératoire ou obéit-il à des lois ? En ce dernier cas, quelle en est la provenance ? L’auteur montre qu’elles proviennent des couches supérieures de la signification et des objets idéaux, ce qui a pour conséquence de soustraire le concept de constitution transcendantale au paradigme d’une libre production.

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