Navarin - Janvier 2025
La Cause du désir poursuit son étude sur les concepts fondamentaux de la psychanalyse en s’attaquant à l’association libre que Freud découvrit et pour laquelle il abandonna l’hypnose. Les textes du dossier reviennent sur l’histoire de cette découverte pour en venir à l’abord de la règle fondamentale par Jacques Lacan. Le « dire n’importe quoi » en analyse est distingué des pratiques contemporaines de la parole.
Le dire-vent analytique Aux " profanes " et aux " médecins qui continuent volontiers à confondre la psychanalyse avec un traitement suggestif ", Freud oppose en 1913 une méthode nouvelle, la sienne, où le patient est invité à pratiquer l'association libre. " La règle fondamentale ", seule prescription qui vaille, suppose de lâcher " le fil de la cohérence " et de dire " tout ce qui vous passe par l'esprit ".
Mais l'entreprise n'est pas aisée, à la mesure d'une règle dont le premier paradoxe est de commander une parole libre. Pas si libre d'ailleurs cette association qui, comme le remarquera Lacan, a certes " un petit jeu " mais qu'" on aurait tort de vouloir [...] étendre jusqu'au fait qu'on soit libre ". Après tout, poursuit Lacan, que veut dire l'inconscient, " sinon que les associations sont nécessaires ? ".
Eclairant pour nous ce paradoxe d'une association libre on ne peut plus déterminée, et en écho à la métaphore du bridge de " La direction de la cure... ", Jacques-Alain Miller la définira comme " l'institution du sujet à la condition de joueur " : la règle fondamentale évoque alors une partie de cartes où le sujet " suit la donne comme [il] peut " ... tout en jouant. Que le patient soit capable de " quitter sa position de vérité [...] pour se mettre à jouer au jeu du signifiant ", constitue dès lors un " critère d'analysabilité ".
" Mode de dire irresponsable " certes, lieu d'un " je ne pense pas ", on ne saurait néanmoins confondre le " dire n'importe quoi " (la formule est de Lacan qui la jugeait plus juste) avec " la permission de se répandre en dits sans importance ". Notre époque, qui se gargarise de transparence, aurait vite fait de réduire la règle fondamentale à un " tout dire " de pacotille. Or le " dire n'importe quoi " de l'analyse n'est pas un dire sans conséquence : l'énonciation analytique suppose que mon dire soit " malgré tout versé [...] au compte de mon inconscient ".
C'est pourquoi, " au coeur même de cette irresponsabilité du dire en analyse, pas à pas, apparaît le sentiment de culpabilité ". Lacan rappelait, pour ceux qui l'auraient oublié, qu'" on se propose de dire n'importe quoi, mais pas de n'importe où ". L'association libre, essence de la psychanalyse, ne se rencontre nulle part ailleurs qu'en séance. C'est sur le divan – que Lacan rebaptise " dire-vent " pour l'occasion –, que le patient se laisse aller à son jeu.
Car " c'est en position couchée qu'il fait bien des choses, l'amour en particulier, et l'amour l'entraîne à toutes sortes de déclarations. Dans la position couchée, l'homme a l'illusion de dire quelque chose qui soit du dire, c'est-à-dire qui importe dans le réel ".
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