On a longtemps évoqué à propos des témoignages de la Shoah la problématique de l’ineffabilité. Mais les survivants ont dépassé ce mythe du silence : devenus célèbres précisément pour les formes du dicible qu’ils ont adoptées, Se questo è un uomo et Aucun de nous ne reviendra ont su raconter et transmettre ce vécu extrême. Toutefois, les chemins empruntés pour sortir de cette impasse semblent radicalement opposés : tandis que Primo Levi prône une écriture dite scientifique, Charlotte Delbo plaide en faveur d’un langage poétique. De cette divergence, une évidence se fait jour. À l’origine de tels choix stylistiques résident des dynamiques communicationnelles bien différentes : la mission du témoin est-elle la même lorsque l’on a été déporté pour ses origines juives ou pour son engagement politique ?
Dès lors, explorer l’espace discursif construit et habité par l’œuvre elle-même devient une voie privilégiée pour découvrir la manière dont le témoignage est appréhendé par les auteurs. Par l’examen attentif des formes pragmatiques de ces deux œuvres se révéleront les différents modes du dire, à leur tour révélateurs, car étroitement liés au contexte de production du récit, et aux conditions de l’expérience concentrationnaire elle-même. Ainsi, le présent essai propose d’explorer les enjeux communicationnels derrière cette question, somme toute fondamentale : comment se faire témoin ?
acheter ce livre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire