mercredi 23 février 2022

Stéphanie Roza : Lumières de la gauche

 Editions de la Sorbonne - Mars 2022


Le récent divorce d'une partie de la gauche avec le legs rationaliste, universaliste et progressiste des Lumières peut donner le sentiment que l'émancipation au sens moderne n'a qu'un lointain rapport avec ce qu'elle signifiait au XVIIIe siècle, voire qu'elle lui est franchement opposée. Le présent ouvrage entend revenir sur un lien historique parfois remis en question de nos jours. Pas à pas, il s'efforce de retracer l'histoire des relations des gauches égalitaristes, féministes et anticolonialistes à l'héritage du XVIIIe siècle, depuis la Révolution française jusqu'aux années 1960-1970, période où commencent à s'élever des critiques d'une virulence inédite contre cet héritage. Par là, on constate que les principaux courants idéologiques d'émancipation ne peuvent se comprendre que comme des prolongements critiques des combats politiques et sociaux des penseurs des Lumières. Des prolongements, en ce qu'ils visent fondamentalement à approfondir, à élargir et à concrétiser les promesses des Lumières ; critiques, en ce qu'ils s'efforcent d'en surmonter les limites et les contradictions, portant l'idéal d'autonomie et de liberté humaines à un niveau de radicalité jamais atteint. Dès le XVIIIe siècle, les cas de Gracchus Babeuf, Mary Wollstonecraft, Toussaint Louverture, respectivement premiers représentants des combats pour l'égalité économique, sexuelle et raciale, rappellent que les principes fondateurs de toute perspective de transformation sociale trouvent leur source dans la Révolution française. Par la suite, les grands débats de la gauche des XIXe et XXe siècles, de la Révolution russe aux luttes d'indépendance des peuples colonisés, de Marx à Sartre et de Kropotkine à C. L. R. James, confirment le lien identitaire des plus grandes figures de la gauche avec le message libérateur des Lumières. Il ne s'agit pas seulement ici de rappeler l'existence d'une filiation qui, pendant longtemps, est demeurée évidente aux yeux de tous, mais également d'analyser les manières, parfois très différentes, dont chacune de ces figures se rattache à l'héritage du XVIIIe siècle. Il existe ainsi plusieurs façons de s'approprier cet héritage à gauche, qui font émerger autant d'images rétrospectives des débats et combats du XVIIIe siècle. L'étude fait ainsi apparaître une grande diversité d'usages de ce legs, au croisement entre adaptation, sélection et démarcation critique.

SOMMAIRE

Introduction

Chapitre I.

À gauche de la Déclaration des droits de l'homme

Les Niveleurs

Réflexions prérévolutionnaires

Les Lumières babouvistes en Révolution

Le féminisme des Lumières à l'assaut du conservatisme : Wollstonecraft vs Burke

L'offensive burkéenne

La réponse de Mary Wollstonecraft

Naissance du féminisme universaliste

Les Jacobins noirs

De la révolte du tiers état à la révolte des esclaves

Toussaint

Défense des droits de l’homme noir

Chapitre II.

Les Lumières des prolétaires (1799-1848)

Les Lumières sans la Révolution ? Les exemples de Saint-Simon et Fourier

Saint-Simon et le legs illuministe

Charles Fourier, un anti-Lumières ?

Socialismes et socialistes

La lettre de Pauline Roland

Louis Blanc, Robespierre et la Révolution française

Rejetons indociles du républicanisme : les communistes français dans le premier XIXe siècle

Le robespierrisme d’Étienne Cabet

Communisme et matérialisme

Chapitre III.

Fils de l’Aufklärung (1815-1848)

L’Allemagne face aux Lumières et à la Révolution française de 1789 à 1815

La gauche allemande dans les années 1830-1840

Un jacobin nommé Ludwig Börne

Le retour aux Lumières des Jeunes-Hégéliens

Les voies divergentes des « Lumières du xixe siècle » : Bruno Bauer

Marx et Engels face à l’héritage français du XVIIIe siècle : position d’un problème

Contre Hegel… et Robespierre : la substantialité du social contre l’illusion du politique

Contre Bauer : la pratique révolutionnaire vs la théorie critique

Les oscillations de Marx et la rectification d’Engels

Chapitre IV.

Anarchisme et Lumières

« L’enfant terrible du socialisme »

Anticléricalisme et anti-rousseauisme

1789, aube d’une nouvelle ère

Prolonger 89 ou rompre avec ?

Bakounine : révolution nationale et révolution sociale

Du rejet de l’héritage illuministe au jeune-hégélianisme

Révolution et panslavisme

Anarchisme bakouninien et héritage illuministe

Kropotkine : « cette philosophie du XVIIIe siècle […] qui […] s’appelle aujourd’hui le communisme anarchiste »

Lumières scientifiques

Progrès historique et nature humaine

La grande révolution

Chapitre V.

Les Lumières en débat dans le mouvement ouvrier organisé (1864-1914)

Paradoxes du nietzschéisme de gauche

Les anti-nietzschéens de gauche allemands et l’héritage des Lumières

Nietzschéens de gauche en Allemagne : l’exemple de Gustav Landauer

Disputes socialistes autour d’un héritage révolutionnaire

La social-démocratie allemande face à la Révolution française

La social-démocratie allemande et les Lumières

Le républicanisme socialiste français face au marxisme

Nietzsche au pays de la Révolution française

Charles Andler ou la démocratisation du nietzschéisme

Georges Sorel : du marxisme à la haine de la démocratie

Édouard Berth : Nietzsche contre les « méfaits des intellectuels »

Chapitre VI.

La Raison à l’épreuve des catastrophes du XXe siècle

Rationalisme et irrationalisme chez Georg Lukács

D’Histoire et conscience de classe à La destruction de la raison

La destruction de la Raison et ses ennemis

Irrationalisme et romantisme

Jean-Paul Sartre : de l’existentialisme au rationalisme dialectique

L’existentialisme, de L’être et le néant à la conférence de 1945

« L’indépassable philosophie de notre temps »

Marxisme, universalisme et anti-impérialisme chez C. L. R. James

Le trotskysme de James

Le rôle des masses dans l’histoire

Épilogue : la rupture de 1944

Un « diamant noir écrit à minuit dans le siècle »

Les chausse-trappes de l’exagération

Du rejet de la raison instrumentale au rejet de la modernité


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