François Brémondy
Octobre 2011 - Sils Maria, « Nouvelles possibilités d’existence » – 23 €
Aucune œuvre – hormis, évidemment, celles des fabulistes – n’offre un bestiaire aussi riche. C’est sans doute que Nietzsche pensa surtout par images, et qu’il se laissa séduire par les images animales, parce qu’elles sont les plus expressives. Ainsi, adolescent, il rebaptise sa sœur Elizabeth « Lama » et ne s’adressa plus à elle autrement jusqu’à la dernière lettre qu’il lui écrivit, ainsi encore, jeune homme, il adjure un camarade de déposer « sa peau d’ours de théologien pour prendre la figure d’un lionceau philologue ». C’est d’autre part que Nietzsche devint un penseur, comme on a dit, « éthique », en ce sens qu’il ne se soucia plus que de la valeur des choses ou du danger qu’elles peuvent représenter pour la vie, et de ce point de vue les images animales lui convenaient, parce que la plupart des animaux sont valorisés positivement ou négativement. Et comme il se proposa finalement de renverser nos évaluations morales, on ne s’étonnera pas qu’il ait inversé aussi certaines de ces valorisations – qu’il ait fait l’éloge des bêtes de proie et qu’il ait vitupéré le bétail, qu’il ait loué les bêtes sauvages et méprisé les animaux domestiques. Mais Nietzsche n’est pas seulement l’auteur d’une doctrine, il est aussi l’auteur de quelques beaux poèmes, dans certains desquels il célèbre des figures animales qui expriment les aspirations les plus profondes de son âme.
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