Encre Marine - Janvier 2018
Dans ce livre fragmentaire, le lecteur rencontre, non privé d’étonnement, une pensée prémonitoire et incisive qui affronte tous les grands problèmes d’aujourd’hui. Comme par exemple ceux qui concernent l’économie et la politique : « Il faudrait parvenir à mener, le plus complètement possible, une analyse économique et politique, sociale et historique, avec la plus grande lucidité possible (par celui qui l’entreprend surtout). Analyser les forces productives et les rapports de production, les relations de propriété (individuelles, étatiques, nationales, sociales), les mécanismes du commerce, des échanges et de la distribution, comprendre la nature, les régimes, les formes, les organisations et les fonctionnements du travail ». La question de la société « globale » se pose explicitement : « résorbera-t-elle toute radicale mise en question ? Qu’adviendra-t-il des mouvements de négation extrasociaux, asociaux, antisociaux, des individus, des groupes et des collectivités niant le monde dominant, contaminés par lui et le contaminant ? ». Question toujours pertinente surtout à notre époque où « tyrannie et démocratie sont moins séparables qu’on a l’air de le penser. Voir les États totalitaires de l’ère planétaire », quand « le monde entier devient une énorme province sans capitale ». Le regard du penseur sur le monde actuel en est plus que lucide quand il parle – déjà en 1969, bien avant le règne des réseaux sociaux – du confusionisme oecuménique et universel et de la culture qui « ira probablement jusqu’à ce que chaque individu – ou presque – soit à la fois producteur et consommateur de biens culturels, vivant dans le vaste musée de la culture mondiale », où nous assistons pourtant « au spectacle de la participation au spectacle ». Et cela dans un monde où le métissage radical, « un mélange racial universel et total, semble s’imposer pour donner une nouvelle vigueur à l’espèce humaine ».
Le jeu du monde est le jeu du temps, contient et dépasse tout jeu dans le monde où « tout est constamment joué, rejoué, déjoué, mis en jeu ». En notre époque qui privilégie tellement la et les théories dites des jeux, ce livre de Kostas Axelos constitue une contribution majeure et anticipatrice pour comprendre la complexité et les enjeux non seulement de ce que nous vivons mais aussi de ce qui advient.
Kostas Axelos (1924-2010) est philosophe et traducteur d'origine grecque. Spécialiste d’Héraclite, de Marx mais aussi de Hölderlin ou Mallarmé, il a enseigné à la Sorbonne. Six de ses ouvrages ont déjà été publiés dans la collection « Encre Marine » : Le Jeu du monde (2018), Marx, penseur de la technique (2015), Une Pensée à l'horizon de l'errance (2015), Le destin de la Grèce moderne (2013), En quête de l’impensé (2012) et Ce qui advient (2009).