vendredi 1 novembre 2024

Essaim n°53 : Manger le livre en psychanalyse

 Erès - Octobre 2024


« Manger le livre » est une expression que Jean reçoit, dans l’Apocalypse (10), d’une voix venant de l’au-delà et qui ordonne de transmettre aux autres la bonne parole. Cette formule est reprise par Lacan dans L’éthique de la psychanalyse (leçon du 22 juin 1960). Elle désigne pour lui l’incorporation pulsionnelle orale du signifiant, laquelle n’amène pas à un changement d’objet mais à une transformation de l’objet en lui-même, et participe d’une sublimation (satisfaction pulsionnelle sans refoulement). « Manger le livre » représente la métonymie du désir comme tel, qui se pose comme condition absolue dans une perspective de Jugement dernier, au-delà de la demande et du besoin.
Gérard Haddad, dans son ouvrage Manger le livre, remarque que la formule se trouve déjà dans le Livre d’Ézéchiel (2 et 3), mais non accompagnée d’amertume comme c’est le cas chez Jean. Il souligne, entre autres, combien elle contribue à cimenter les communautés des trois religions du Livre, juive, chrétienne et musulmane, ainsi que son rôle dans l’identification primordiale au père.
Il s’agit pour nous de continuer à revisiter la portée de cette formule dans son extension à la psychanalyse. Sans que cela soit exhaustif, plusieurs pistes peuvent être explorées.
Qu’est-ce qui fait objet de livre aujourd’hui ? Qu’en reste-t-il après qu’il a été mangé ?
Par quelles voies s’opère l’incorporation du signifiant ? Par le passage à la lettre, au chiffre, comme structure localisée du signifiant ?
Quelle est la résonance de cette formule pour les analystes, chacun particulièrement, dans les relations sociales entre eux, et dans leurs rapports aux textes de Freud et de Lacan ?
Qu’apporte-t-elle à la compréhension de certaines formes cliniques : le deuil, les psychoses (voir Le schizo et les langues de Louis Wolfson), les symptômes psychosomatiques, l’anorexie… ?
Quel rapport y a-t-il entre « manger le livre » comme sublimation et les symptômes ?

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Jean-Denis Dupuy : Apprendre à croire. Quatre études

 L'Harmattan - Octobre 2024


L’humanité au risque de son autoconstruction (L’Harmattan, 2023) appelait à fusionner deux directions de recherche indépendantes. L’étude suggérée par Russell de « la forme logique de ce qui arrive quand l’homme croit » écarte celle de ce qu’il croit, l’indicible de Wittgenstein, pour traiter ces comportements en faits, identifiant une aptitude à croire, source de certitude, distincte de celle à savoir, source de vérité. Dualité similaire à celle pascalienne, raison et raisons du cœur, et, plus encore, cartésienne, où sum, « l’être », se définit comme ce dont ces faits sont l’empreinte dans le monde : il est mais n’existe pas, et ce qu’il est est étrange ! Selon Chomsky, ils sont des données dont il faut abstraire la forme, fondant une science, la pistologie, pour « intégrer ainsi progressivement l’étude de l’esprit au sein des sciences biologiques ».
Quatre études l’appliquent, dans les domaines éthique – avec l’exploitation des sciences et technologies, dont l’IA générative_–, pistologique – avec le concept de martyr et sa perspective téléologique –, juridique – dans la lutte contre la désinformation et cette criminalité ontologique qui vise à assujettir l’être humain – et enfin sociologique – la forme statistique de ce qui arrive quand les hommes croient ensemble, les communautés.

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Federico Viri : Arts du langage et noétique. La notion d’attentio chez Pierre Abélard

 Vrin - Octobre 2024


Est-il possible de parler d’intentionnalité au Moyen Âge et notamment avant la redécouverte du De anima d’Aristote? Une réponse peut être recherchée au travers de l’étude de la notion d’attentio chez Pierre Abélard à laquelle ce livre est consacré. La fonction de l’attentio n’est pas seulement celle de viser un objet, mais également de gérer chez l’auditeur la formation des intellections engendrées à partir des sons vocaux proférés. Si l’attentio dirige tantôt le processus cognitif, tantôt le processus sémantique, alors un tel objet de recherche requiert une nouvelle perspective d’étude sur la sémantique et l’ontologie d’Abélard, à savoir une mise en relief de sa philosophie de l’esprit. L’éclaircissement de la noétique abélardienne s’impose alors comme un passage obligé pour tout essai d’interprétation originale de la philosophie d’Abélard.

Federico Viri est docteur en philosophie (Paris, La Sorbonne) et membre associé à l’Université de Genève. Ses recherches portent sur l’entrelacement entre philosophie médiévale et philosophie contemporaine.

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Franck Fischbach : Faire ensemble. Reconstruction sociale et sortie du capitalisme

 Seuil - Octobre 2024 - L'ordre philosophique


Il n’a jamais été aussi urgent de faire oeuvre commune pour faire face au changement climatique, à l’effondrement de la biodiversité, mais aussi pour assurer le soin des populations, remédier à la précarisation des vies, aux inégalités… Pourtant cette capacité à faire ensemble, à agir de manière véritablement sociale et à faire du collectif un véritable sujet pratique se trouve aujourd’hui minorée ou ignorée au profit de la seule rationalité de l’agent individuel. C’est que les fondements philosophiques d’un agir commun doivent encore être mis au jour.
En inscrivant ses pas dans la tentative encore méconnue des « Jeunes hégéliens », ce livre montre que l’essence humaine réside dans son oeuvre commune, qu’elle est un « faire ensemble ». Mais, loin de valoriser de manière abstraite ou incantatoire l’association et la coopération, il s’agit de faire comprendre que nous sommes d’ores et déjà engagés pratiquement les uns envers les autres. Cet engagement, de nature sociale, se distingue des dimensions économiques et politiques de l’existence qui occupent souvent le devant de la scène des pensées critiques. Or, la mutualité de nos relations constitue le meilleur antidote aux rapports de domination.
Ainsi, déployer ces relations par lesquelles nous nous associons les uns aux autres dans des liens de complémentarité et de réciprocité peut nous aider à nous approprier le sens social de nos vies et à en maîtriser démocratiquement les conditions de réalisation.

Franck Fischbach est professeur de philosophie allemande à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il a notamment publié Manifeste pour une philosophie sociale (La Découverte, 2009), Après la production. Travail, nature et capital (Vrin, 2019) et Pour la Théorie critique. Raison, nature et société (Vrin, 2024).

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Martin Heidegger : 1. Les positions métaphysiques fondamentales de la pensée occidentale. 2. Pour s'exercer à la pensée philosophique

 Gallimard - Octobre 2024


Ce volume réunit les notes et les protocoles de deux "séminaires" que Heidegger a tenus durant les semestres d'hiver 1937-1938 et 1941-1942 à l'université de Fribourg-en-Brisgau. Dans le premier de ces séminaires, Heidegger explore la manière dont la question directrice de la métaphysique : "qu'est-ce que l'étant ?", a été traitée par différents penseurs de la tradition occidentale, et dégage leur position métaphysique fondamentale où s'exprime leur thèse sur l'être. Il montre que toute l'histoire de la métaphysique peut être placée sous un seul et même titre : "être et pensée", et qu'elle se confond à ce point de vue avec l'histoire de l'idéalisme et du platonisme, dans laquelle l'être comme tel demeure manquant. Le second séminaire est centré sur la question de la vérité envisagée à partir de deux figures majeures de la pensée occidentale, Héraclite et Nietzsche. Heidegger y revient longuement sur la conception traditionnelle de la vérité comme accord de la représentation et de la chose et rappelle qu'elle repose sur une vérité plus originaire à peine entrevue par les Grecs qui a été occultée à l'époque moderne par la relation sujet-objet. À travers la série des questions abordées, ce séminaire veut être d'abord et avant tout un "apprentissage" à la pensée philosophique elle-même, et nous livre à ce titre un aperçu inédit sur la pédagogie heideggérienne.

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Arno Münster : Pour une éthique du désir et du bonheur ? Un hommage à Robert Misrahi

 L'Harmattan - Octobre 2024


Selon Platon, le bonheur est « la foi la plus haute assignée à l’âme », tandis que pour Aristote, le bonheur est « la recherche du souverain bien vers lequel tend le désir. »
Le bonheur est-il une illusion ? Un impératif, une « passion » de l’âme ? Pascal a-t-il raison d’affirmer que « tous les hommes désirent être heureux » ? Mais comment y parvenir ? C’est en marchant dans les pas d’Aristote, de Spinoza et de Sartre que Robert Misrahi (1926-2023) nous esquisse une éthique du bonheur pour la modernité, dans une perspective laïque, à l’entrecroisement de la pensée spinoziste du « Conatus » et de l’existentialisme sartrien, dans le cadre d’une pensée critique émancipée de tous les dogmes théologiques, refusant toutes les formes de servitude et de soumission.

Arno Münster, philosophe franco-allemand, est maître de conférences honoraire à l’université de Picardie d’Amiens. Il est l’auteur, entre autres, d’une biographie d’Ernst Bloch (Kimé, 2001), de plusieurs livres sur Sartre, sur Adorno, sur Herbert Marcuse et sur André Gorz.

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