La réflexion sur « l’étranger » est en passe, hélas, soumise qu’elle est à toutes sortes de vents idéologiques contraires, de devenir un lieu commun sans le moindre contenu jouant le rôle de talisman ou de sésame pour décerner un diplôme tantôt de « bien-pensance » abstraite assurée de se tenir du côté du bien, tantôt de « lucidité » et de « réalisme » dont il faudrait faire profession pour n’être pas « submergé » par ce qui n’est pas « nous ». Le bref essai d’Umberto Curi reprend les choses au niveau de sérieux qu’elles requièrent, en proposant une réflexion serrée sur la figure de l’étranger, sur son rôle ambivalent de menace et de don, et sur son caractère inévitable et fécond pour la définition de notre propre identité. Umberto Curi refuse donc de s’inscrire dans les pièges idéologiques dont nous sommes coutumiers ; à travers une analyse linguistique, philosophique et littéraire, partant du lointain pour arriver au présent, il nous invite à nous confronter à l’irréductible duplicité de cette présence qui, aujourd’hui, doit plus que jamais nous interpeller en raison des proportions que prend la mobilité humaine. L’auteur propose de nombreux éclairages sur la signification profonde du concept d’étranger et de la figure duelle et ambivalente qui l’a toujours caractérisé. On peut penser que ce type de travail a aujourd’hui une certaine urgence, par la foi lucide qu’il professe en ce que Hugo appelait cet « autre chose que nous tout près de nous », si « près de nous » que nous sommes engagés à nous penser nous-mêmes comme cet autre nous donnant d’être ce que nous sommes. Étranger est le premier livre de l’auteur traduit en français.
Umberto Curi (né en 1941) est professeur émérite de l’université de Padoue, où il a enseigné l’histoire de la philosophie. Outre une abondante moisson d’articles, il a écrit une cinquantaine d’ouvrages, de Il problema dell’unità del sapere nel comportamentismo de 1967 à Il coraggio di pensare. Manualistica di filosofia de 2018. Son œuvre s’est développée dans trois directions essentielles : 1. l’analyse du lien unissant politique et guerre (voir par ex. Pensare la guerra. Per une filosofia della pace, Bari, Dedalo, 1985 ; Filosofia come guer-ra, Turin, Bollati Boringhieri, 2000) ; 2. la question de la narration (puissance et permanence des mythes), avec une insistance particulière sur le cinéma : citons Lo schermo del pensiero, Mi-lan, Rafaello Cortina, 2000 ; La forza dello sguardo, Bollati Boringhieri, Turin, 2004 ; Un filosofo al cinema, Milan, Bompiani, 2006 ; 3. quelques grands thèmes de la condition commune, revisités selon un par-cours inédit d’histoire de la philosophie (par ex. Miti d’amore. Filosofia dell’eros, Milan, Bompiani, 2009, ou Meglio non essere nati. La condizione umana tra Eschilio e Nietzsche, Turin, Bollati Borignhieri, 2008).
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