Mars 2010
Editions de Minuit, 10 euros
Ce numéro s'ouvre par la traduction d'un extrait de cours sur Platon, « La théorie des Idées », prononcé par Emil Lask à l’Université de Heidelberg durant le semestre d’hiver 1911-12 et publié à titre posthume en 1924 dans ses Œuvres complètes. Cherchant en Platon la source d’une forme d’objectivisme logique ou axiologique qui contraste avec le prétendu « subjectivisme » de Kant et Natorp, Lask entreprend d’y relire les principaux concepts-clés de la théorie platonicienne dans la perspective de la philosophie des valeurs propre à l’école néo-kantienne de Bade. Publié à la suite du texte de Natorp sur Platon, l’extrait ici traduit constitue un nouvel exemple d'interprétation néo-kantienne de l’idéalisme platonicien - interprétation contre laquelle s'est construite celle de Heidegger.
Dans le sillage de Roman Ingarden, l’idéalisme phénoménologique de Husserl est fréquemment associé à la thèse selon laquelle l’existence est équivalente à la perceptibilité. S’employant, dans « Intentionnalité, idéalité, idéalisme », à réfuter cette interprétation, dont il montre les faiblesses tant historiques que conceptuelles, Denis Seron en propose une nouvelle définition : l’idéalisme est une théorie non relationnelle de l’intentionnalité. Après avoir tracé les grandes lignes et tiré les conséquences philosophiques de cette théorie, il en rappelle les sources brentaniennes et en révèle quelques enjeux polémiques.
Dans « Mort et vérité : le problème de la certitude », Cristian Ciocan interroge la relation entre la vérité et le phénomène de la mort, telle qu’elle est déployée dans l’analytique heideggérienne du Dasein. Il montre que cette relation n'est concevable que si ses termes sont arrachés à leur signification habituelle : la mort n’est pas le point terminal de l’existence, mais le noyau qui son authenticité possible ; et la vérité n’est pas un caractère essentiel de l’énoncé, mais le phénomène fondamental de l’existence facticielle. En définitive, c’est sur le problème de la certitude que se focalise cette relation : la certitude existentielle du moribundus sum étant plus originaire que la certitude théorique du cogito cartésien, le Dasein n'est plus subjectivité pensante, mais se redéfinit comme mortel ou capable de la mort.
Enfin, dans « L'énigme de l'attribution d'expériences », Alexandre Billon propose une énigme analogue à celle de Goodman, qui concerne la confirmation, non des hypothèses inductives, mais des attributions d’expériences à autrui (dou-sir et plai-leur, au lieu de v-leu et bl-ert) ; il montre que l’exigence d’une justification (même minimale) est dans ce cas plus pressante et plus difficile à satisfaire. La possibilité d’une solution implique une thèse radicale : les données environnementales et comportementales que l’on peut obtenir sur autrui doivent permettre d’être certain qu’il a telle ou telle expérience. En mettant en avant une conception naturaliste de la croyance et de la certitude, il tâche de démontrer la plausibilité de ces thèses, avant d'en tirer les conséquences épistémologiques et ontologiques.
D. P.
Sommaire
EMIL LASK
La théorie des Idées
Traduit et présenté par Arnaud Dewalque
DENIS SERON
Intentionnalité, idéalité, idéalisme
CRISTIAN CIOCAN
Mort et vérité :
Heidegger et le problème de la certitude
ALEXANDRE BILLON
« Dousir » et « plaileur »
L'énigme de l'attribution d’expériences
Notes de lecture
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