mercredi 16 avril 2025

Eli Schonfield : LETTRE RESTANTE. Kafka et le néant de judaïsme

 Eliott - Avril 2025


Que reste-t-il lorsque rien ne reste ? Question lancinante, par laquelle il est possible d'aborder la vie, l'oeuvre, l'écriture de Kafka, pour penser son rapport à son judaïsme. Une plaisanterie? Kafka le laisse parfois entendre, qui accueille la question posée dans une lettre par Milena : «Êtes-vous juif?» avec un éclat de rire. L'angoisse d'être juif malgré tout alors qu'on l'est si peu? La peur, récurrente, qu'une lettre se perde, comme si tout s'y trouvait contenu? Comme si le reste était une lettre (la lettre K. par exemple), perdue mais pas abolie, animée d'un imprévisible mouvement. Ou bien encore une sensibilité à la langue, tchèque ou allemande, réveillée ensuite par la découverte théâtrale du yiddish? Langue étrange mais pas étrangère; langue ressentie avant d'être comprise. Kafka y entendit, tremblant, quelque chose, qui le poussa à apprendre vers la fin de sa vie l'hébreu et à couvrir des pages entières de cahiers de mots en lettres carrées en regard de leur signification en allemand. Eli Schonfeld scrute, avec une attention patiente et vive, ce cheminement dans les langues menant à la langue, trajet qui prend chez Kafka la forme d'un retour à la lettre qui «seule, unique, reste».

Docteur en Philosophie, Eli Schonfeld dirige le département de philosophie et de pensée juive au Shalem College à Jérusalem, où il enseigne. Il fut l'élève de Benny Lévy et participa à la fondation de l'Institut d'Études Lévinassiennes. Il est l'auteur de Merveille de la subjectivité. Essai sur la philosophie d'Emmanuel Levinas (en hébreu, 2007), L'Apologie de Mendelssohn (2019) et, plus récemment, de The Remnant. Franz Kafka's Letter: An Essay on the Margins of Philosophy (2024).

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Christophe Bouriau : Nietzsche théoricien des fictions

 Classiques Garnier - Avril 2025


Il s'agit de présenter un solide système de nos principales fictions théoriques et pratiques, à partir de l'oeuvre de Nietzsche. Le terme de système indique que les concepts fictionnels étudiés dérivent les uns des autres et forment un tout organique. Cet ouvrage tend donc à renforcer l'image de Nietzsche comme épistémologue. Sont mises en lumière deux acceptions distinctes de la métaphore : les métaphores inconscientes, à l'origine de nos principaux concepts ; les métaphores conscientes, formées pour compenser la grossièreté et l'imprécision du langage ordinaire. Il s'agit enfin d'aborder la postérité de l'analyse nietzschéenne des fictions dans les oeuvres respectives de Hans Vaihinger et de Henri Bergson.

Christophe Bouriau est professeur des universités à l'université de Lorraine et membre des Archives Poincaré. Spécialiste de philosophie allemande, il poursuit actuellement la traduction des cours universitaires de Schopenhauer.

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Le Philosophoire n°63 : Enseigner

 Le Philosophoire - Avril 2025


– Editorial, par Baptiste Jacomino

– Entretien avec Philippe Meirieu, par Baptiste Jacomino

– Enseigner à l’ère du numérique, par Christophe Giolito

– En quoi consiste l’acte commun de l’enseignant et de l’enseigné ? L’enseignement comme tension entre le commun et la singularité, par Arnaud Rossetti

– Enseigner « en tant que philosophe » selon Spinoza, par Philippe Danino

– Penser la pédagogie coopérative avec Alain ?, par Baptiste Jacomino

– Le concept d’enseignement chez Levinas, par Chih-Kang WU

– L’institution scolaire, le social et le politique, par Lyvann Vaté

Les livres passent en revue

Notices sur quelques publications récentes et ouvrages envoyés à la rédaction :

Lucia Angelino et Laurent Perreau, Elisabetta Basso, Philippe Cabestan et Ecole Française de Daseinsanalyse, Flora Bastiani, Jean-Pierre Castel et Jean-Claude Simard, Vincent Citot et Jean-François Dortier, Luc Ferry, Jonathan Haidt, Bernard Lahire, Edgar Morin, Peter Turchin.

Hors Thème

– Domination masculine et division sexuelle du travail : examen critique de quelques thèses d’anthropologie féministe, par Laurent Fedi


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Georges Bataille : Non serviam

 Lignes - Mars 2025


Textes réunis et présentés par Michel Surya

« Il importe de définir ce que met en jeu la littérature, qui ne peut être réduite à servir un maître. Non serviam est, dit-on, la devise du démon. En ce cas, la littérature est diabolique. » Georges Bataille

Ce livre réunit les plus remarquables des textes critiques consacrés par Georges Bataille à la littérature : Adamov, Beckett, Blanchot, Camus, Char, Conrad, Genet, Klossowski, Miller, Paulhan, Prévert, Prokosch, Queneau, Réage, mais aussi Proust et Sade. Ils datent en quasi-totalité de l’après-guerre, c’est-à-dire des dix premières années de la revue Critique, que Bataille a créée à la Libération et qu’il a dirigée jusqu’à sa mort en 1962. On ne le lira pas définir ici la littérature, « définition » qu’il s’est toujours abstenu de formuler précisément, y compris dans La Littérature et le mal (1957), dont le présent recueil constitue le pendant principalement consacré à ses contemporains. On le verra cependant formuler une représentation de la littérature, de son « rôle », comme on le disait alors – ou, plus justement selon lui, de sa nécessaire absence de rôle, prenant ainsi le contrepied de Sartre : la littérature doit « servir », proclame alors ce dernier ; s’asservissant, affirme Bataille, la littérature n’en est plus une.

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Jean-Paul Coujou : Pacte social et souveraineté politique chez Burlamaqui

 Classiques Garnier - Avril 2025


Burlamaqui (1694-1748) propose au siècle des Lumières de reconfigurer, tout en les synthétisant, les enjeux politiques, juridiques et anthropologiques des thèses héritées de l'École du droit naturel. Dans cette perspective, le concept directeur de la souveraineté partagée inaugure un moment décisif dans la compréhension de l'État moderne. En effet, si le peuple exprime originellement une telle souveraineté, il lui revient de l'exercer dans un espace qu'il convient de redéfinir, celui du partage et de l'équilibre du pouvoir. L'analyse de Burlamaqui s'inscrit par conséquent dans la rupture initiée par la modernité entre la sagesse et la politique dans laquelle prévaut désormais la question retorse des limites de la compatibilité entre la liberté et le pouvoir.

Jean-Paul Coujou, philosophe, est membre de l'institut Michel-Villey. Il a publié une trentaine d'ouvrages dont Pensée de l'être et théorie politique. Le moment suarézien (Paris, 2012), prix Charles Lévêque en métaphysique décerné en 2012 par l'Académie des sciences morales et politiques.

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David Labreure, Annie Petit (dir.) : Socialismes, utopies et positivismes

Hermann - Avril 2025 


Au xixe siècle, nombreux sont ceux qui veulent réorganiser la société. Auguste Comte (1798-1857) fonde le positivisme comme prolongement socio-politique de la philosophie positive. À partir de penseurs comme C. H. Saint-Simon (1760-1825), Charles Fourier (1772-1837), Étienne Cabet (1788-1856), Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), etc., émergent des programmes sociaux divers, parfois dits « socialistes », dans les débats, combats et les efforts plus ou moins éphémères de réalisation. Cependant ces efforts sont souvent considérés comme des « utopies ». Sont ici confrontés certains de ces programmes et tentatives pour en dégager les interrogations communes et transversales ainsi que les originalités.

David Labreure est directeur du musée et des archives de la Maison d’Auguste Comte.
Annie Petit, professeur émérite de philosophie à l’université de Montpellier, a publié sur l’histoire de la philosophie, la philosophie et l’histoire des sciences et l’histoire des idées au xixe siècle. Elle a publié notamment Le Système d’Auguste Comte. De la science à la religion par la philosophie, Paris, Vrin, 2016.

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mardi 15 avril 2025

Frances Egan : Deflating Mental Representation

The MIT Press - Mars 2025


A novel account of the explanatory role of representation in both the cognitive sciences and commonsense practice that preserves the virtues without the defects of the prevailing two views about mental representation.
Philosophers of mind tend to hold one of two broad views about mental representation: they are either robustly realist about mental representations, taking them to have determinate, objective content independent of attributors' explanatory interests and goals, or they embrace some form of anti-realism, holding that mental representations are at best useful fictions. Neither view is satisfactory. In Deflating Mental Representation, Frances Egan develops and defends a distinctive third way—a view she calls a deflationary account of mental representation—that both resolves philosophical worries about content and best fits actual practice in science and everyday life.
According to Egan's deflationary account, appeal to mental representation does indeed pick out causes of behavior, but the attribution of content to these causes is best understood as a pragmatically motivated gloss, justified in part by attributors' explanatory interests and goals. Content plays an explanatory role in the deflationary account, but one quite different than that assumed by robust representational realists. Egan also develops a novel account of perceptual experience as a kind of modeling of our inner lives by aspects of external reality and explains the role of appeal to representation in this process.

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Anne Alombert : Penser avec Bernard Stiegler

 PUF - Avril 2025


Après avoir passé cinq années en prison, où il s'est converti à la philosophie, Bernard Stiegler s'efforce de « penser la technique ». Depuis les peintures rupestres préhistoriques jusqu'aux industries numériques contemporaines, en passant par le cinéma ou encore la télévision, il interroge la manière dont l'évolution des supports artificiels transforment nos consciences, nos mémoires, nos imaginations et nos sociétés. Bien que d'une grande actualité, la pensée de ce philosophe majeur du XXIe siècle demeure souvent hermétique, en raison de sa profondeur et de sa complexité. Ce livre a pour but de la rendre accessible en la resituant dans ses contextes historique et théorique et en montrant sa pertinence dans l'époque contemporaine. Il fournit ainsi aux lecteurs des points de repères pour circuler dans l'oeuvre de Stiegler tout en explicitant les nouveaux chemins théoriques et pratiques que cette oeuvre permet d'ouvrir, pour affronter l'urgence des enjeux actuels, en particulier ceux du transhumanisme, de l'intelligence artificielle et de l'Anthropocène.

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Étienne De La Boétie : Discours de la servitude volontaire

 Actes Sud - Avril 2025


Ce Discours entend penser l’impensable : comment des hommes, en nombre, peuvent-ils accepter de se soumettre à un seul, qui leur est néfaste ? Au XVIe siècle, Étienne de La Boétie s’attelle à résoudre ce paradoxe et à éclairer ses contemporains dans un texte aussi incisif que percutant.
Aujourd’hui, cette œuvre continue de questionner notre rapport au pouvoir et de nourrir notre réflexion sur les mécanismes d’oppression. Conduite par l’idée puissante selon laquelle la liberté est inhérente à la nature humaine, elle nous invite à nous interroger sur les moyens de la défendre et de l’entretenir.

Le texte intégral dans une transcription de référence modernisée, avec :

UNE ENTRÉE PAR LA BD
UN DOSSIER COMPLET SPÉCIAL BAC :
– La fabrique du texte : présentation de l’auteur, de l’œuvre et de l’histoire littéraire dans laquelle elle s’inscrit
– L’atelier de lecture : études d’ensemble, explications de texte guidées, activités d’appropriation, entraînement aux épreuves écrites et à l’entretien oral du bac
– Résonances et rebonds : groupement de textes en lien avec le parcours associé et histoire des arts
UN CAHIER PHOTOS COULEUR

Édition Laurent ANGARD et Julie CHABROUX-RICHIN 
Ivan GROS - Illustrateur

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Europe n° 1151 mars 2025 : Simone de Beauvoir

 Europe - Mars 2025


L’œuvre foisonnante de Simone de Beauvoir constitue un témoignage décisif sur son époque. Cette écrivaine et philosophe aura jeté sur son temps, sur les soubresauts de l’Histoire et sur la façon dont ses contemporains y ont réagi, un regard aiguisé par une vigilance toujours en éveil. Ce numéro d’Europe invite à des explorations nouvelles de son œuvre complexe, subtile, authentiquement radicale.

Table des matières

SIMONE DE BEAUVOIR

Jean-François LOUETTE, « Simone de Beauvoir dans la revue Europe »

Simone de BEAUVOIR, « Deux lettres inédites à Sartre »

Hélène BATY-DELALANDE, « Toujours quelque chose d’inattendu »

Francesca SANVITALE, « La damnation de l’immortalité »

Jean-Louis JEANNELLE, « Compte à rebours et crise du suspense »

Élisabeth RUSSO, « Les Mandarins ou l’impossible roman féministe »

Françoise SIMONET-TENANT, « Quand prime le spirituel,ouvrage mineur et daté ou "livre poignant et fort bien maîtrisé" ? »

Margaret ATWOOD, « Lisez-le et pleurez »

Éliane LECARME-TABONE, « "Malentendu à Moscou", "L’Âge de discrétion" et La Femme rompue »

Michel KAIL, « Dire et raconter ce qui est arrivé »

Manon PERRAUD, « Une illusionniste de talent »

Grégory CORMANN, « Une mort très douce : un théâtre des émotions, une mystique du bonheur ? »

Anne STRASSER, « Les lecteurs ordinaires et le style de Simone de Beauvoir »

Esther DEMOULIN, « Un féminisme "en creux" ? »

Jean-Christophe CORRADO, « Le troisième sexe »

Marine ROUCH, « Circulations et appropriations transnationales des idées féministes »

Belinda CANNONE, « 2025 : Beauvoir contrariée »

CAHIER DE CRÉATION

Daria SERENKO, « 5 fragments sur la violence domestique »

Halyna KRUK, « Femme à tête de homard »

Iya KIVA, « Let’s go »

Valentina CASADEI, « Sans toit ni toi »

Daniel BOURRION, « Un brouillard, probablement »

CHRONIQUES

Cécilia SUZZONI, « Pour une littérature latine "à vif" »

Agnès GODÈS, « La porteuse d’eau. Jane Birkin »

La machine à écrire

Jacques LÈBRE, « Les inaccessibles failles du vécu »

Les 4 vents de la poésie

Olivier BARBARANT, « La pulpe des doigts s’ouvre comme fleur »

Le théâtre

Karim HAOUADEG, « Les mauvais tisserands »

Le cinéma

Raphaël BASSAN, « William Burroughs comme personnage »

La musique

Béatrice DIDIER, « Jeunesse de Crémone »

NOTES DE LECTURE


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dimanche 13 avril 2025

Vittorio Ugo : Architecture et temporalité

 Mimesis - Avril 2025


L'architecture est l'une des manières d'interpréter le thèmede la qualité, de la beauté et de la dignité du projet en relation avec lesdifférentes formes d'habitation humaine (formes qui sont donc exposées à leurtemporalité). La recherche théorique de Vittorio Ugo permet de repenser lescoordonnées fondamentales de l'art de construire. La relation entrel'architecture et le temps est au coeur de cet essai. Les oeuvres d'architectureappartiennent certes à l'histoire, mais l'histoire des oeuvres d'architectureest appelée à expliquer, à interpréter, à situer ces oeuvres dans leur contexte,à les comparer, et surtout, pour ce faire, elle ne peut s'exonérer du rapport àla critique : elle doit porter des jugements, et non les suspendre. Celasignifie interpréter et connaître la temporalité spécifique de chaque oeuvred'architecture.

Professeur à l'École polytechnique de Milan, Bari et Palerme, Vittorio Ugo (1938-2005) a donné desséminaires et des conférences dans diverses institutions internationales tellesque les universités de Tokyo et de Kyoto, les Écoles d'architecture de Grenobleet de Genève, l'ÉHESS et l'Université de Montréal. Parmi ses écrits : ILuoghi di Dedalo. Elementi teorici dell’architettura (1993),Fondamenti della rappresentazione architettonica (1994),Architettura ad vocem. Verso un glossario dei termini diarchitettura (1996).

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Matthieu de Nanteuil, Anders Fjeld : Marx et l'Europe. Au-delà des stéréotypes, en-deçà des utopies

 PU de Louvain - Avril 2025


Ce livre apporte une contribution scientifique unique au débat sur l'héritage de Marx, en articulant deux « lignes de discussion » qui sont le plus souvent tenues à l'écart. D'une part, il réévalue la place de la pensée marxienne dans la construction européenne, cherchant à revitaliser le débat politique européen. D'autre part, il situe la pensée de Marx dans la perspective des études postcoloniales et décoloniales, au regard de leur tentative de dépassement de l'héritage marxien. Pour évaluer le caractère trop ou pas assez européen de la pensée de Marx, le livre explore les thèmes suivants : les politiques émancipatrices internationalistes vis-à-vis de l'eurocentrisme, le rôle de la lutte des classes et de la finance dans la formation des institutions européennes, mais aussi la migration, l'identité et la violence, ainsi que les critiques marxiennes du colonialisme à l'intérieur et à l'extérieur de l'Europe. À une époque d’extrêmes tensions, y compris au sein des gauches européennes, ce livre fournit un argument précis et rigoureux sur ce qui continue à rendre la pensée de Marx pertinente, dans la lutte contre la domination sociale à l'ère du capitalisme mondial, sans occulter ses limites profondes, à l’échelle nationale, européenne ou mondiale.

Introduction 7
Anders Fjeld et Matthieu de Nanteuil
I. Marx pas assez européen ? Perspectives marxiennes sur la construction européenne
Le chemin vers le Green Deal social européen : lutte des classes ou contre-hégémonie ? 21
Albena Azmanova
Une analyse marxienne de la construction européenne I – Origines 35
Jean-Christophe Defraigne
Une analyse marxienne de la construction européenne II – Contradictions 49
Jean-Christophe Defraigne
Marx et l'Europe ou comment envisager le dépassement de la finance prédatrice 63
Cécile Barbier
Être marxiste et musulman en Belgique : étude de cas 77
Lionel Remy-Hendrick
II. Marx trop européen ? Perspectives postcoloniales sur la pensée marxienne
Au-delà de Marx, au-delà de l’Europe 99
Raúl Fornet-Betancourt
Mariátegui et la décolonisation du marxisme : une perspective latino-américaine 115
Alfredo Gomez-Muller
Racialiser l’analyse du capitalisme : vers une political ecology décoloniale ?
Néolibéralisme minier et dégradation environnementale en Afrique subsaharienne 127
Anuarite Bashizi, Cécile Giraud et Aymar Nyenyezi Bisoka

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Jean-Pierre Castel : La mal nommée vérité du christianisme. D'emeth à alètheia

 PU de Louvain - Avril 2025


Tandis que les mythologies présentaient les dieux antiques comme se préoccupant plutôt de l'ordre du monde, les philosophes partaient à la recherche de la « vérité ». Or le christianisme naissant s’est vite présenté sous les habits de la « religion de la vérité », comme le fera plus tard l’islam. Les rédactions de la Septante puis des Évangiles se déroulèrent ainsi dans un contexte de rencontre judéo-hellénistique. Cette vérité des Grecs – alètheia – devint vite le nouvel attribut du dieu des chrétiens. Ce mot grec permit aussi, dans la Septante puis dans les Évangiles, de traduire le mot hébreu ’emeth. Or celui-ci signifiait d’abord « fidélité », « fiabilité », « solidité », et secondairement seulement, « vérité ». Cet ouvrage propose une enquête sur ces moments très originaires où des notions et des cultures se rencontrent, non sans complexité et sans difficulté, autour de cette notion surdéterminée de « vérité ». On y voit des transferts de sens, des ruptures épistémologiques et des rivalités très puissantes, parfois violentes. Un constat apparaît alors : en s’emparant de ce mot alètheia, le christianisme a voulu asseoir l’universalité de son message, au risque de voir se développer une forme d’impérialisme de la pensée. Pourtant, tandis que la Modernité renoue avec le pluralisme de la pensée grecque et défend l’irréductibilité des régimes de vérité, l’Église catholique dénonce dans ces évolutions une « crise de la vérité », alors qu’il ne s’agit pourtant que d’une remise en cause de son autorité.

1. « Vérité d'autorité ou fiduciaire » et « vérité rationnelle » : deux « ordres de vérité » distincts et irréductibles 13
2. L’évolution du sens du mot grec alètheia : le tournant parménidien 35
3. Vérité et christianisme 51
4. Logos : une polysémie complémentaire à celle d’alètheia 89
5. Débats sur l’alètheia johannique 107
6. Tradition, traduction 129
7. Le débat Foi et Raison au fil des siècles 149
8. Enjeux et conséquences 175
9. De la gloire de la synthèse au drame de la séparation 193
10. Unicité de la vérité versus pluralité et irréductibilité des régimes de vérité 223
11. Distinction parménidienne et distinction mosaïque 237
12. Sens, sagesse, ou chemin de vérité ? 257
Annexe
La querelle de la « Nouvelle Théologie » : historicisme contre ontologie 263

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Emmanuel Alloa : La résistance du sensible. Merleau-Ponty, critique de la transparence

 Vrin - Mai 2025


On ne saurait reprocher à une pensée dont le développement a été brutalement interrompu de ne pas être conclusive. Mais si cet inachèvement a inspiré de nombreux lecteurs pour imaginer des possibles prolongements, l’œuvre elle-même a souvent fait l’objet d’un oubli paradoxal. En suivant le fil rouge d’un concept opératoire traversant toute l’œuvre, on découvre la singulière cohérence philosophique qui l’anime. Observer Merleau-Ponty à l’œuvre, c’est redécouvrir tout le sens d’une pensée (du) sensible.
Pour cette réédition, l’ouvrage a été considérablement remanié et amplifié, pour tenir compte des cours et manuscrits inédits. Ceux-ci imposent un nouveau découpage de l’œuvre, avec quatre grandes phases séparées par des tournants successifs : tournant langagier, tournant dialectique, tournant ontologique. Au passage, des pans nouveaux de la pensée merleau-pontienne se déplient, avec des ouvertures inédites pour penser Autrui, la politique, l’art, l’histoire et l’interanimalité.

Emmanuel Alloa est professeur d’esthétique et de philosophie de l’art à l’Université de Fribourg.

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Tim Ingold : Le Passé à venir. Repenser l'idée de génération

 Seuil - Avril 2025


Il y aurait eu le temps des boomers, puis celui de la génération X à laquelle auraient succédé les Y, Z, et dernièrement Alpha, avant d’autres à venir. Cette manière de penser les générations comme des cohortes destinées à se supplanter est historiquement inédite : on a longtemps considéré que les vies s’enroulaient les unes autour des autres, telles les fibres d'une corde.
En renouant avec cette conception, Tim Ingold opère un retournement simple mais vertigineux par ses effets. Il reconsidère sous ce prisme tous les grands enjeux actuels – changement climatique, création artistique, évolution du vivant, pédagogie…
Dans cet essai qui tient du manifeste, le futur, à rebours d’une vision linéaire du progrès, se conjugue à tous les temps. Car si tout n'est jamais gagné d'avance et que les problèmes restent légion, il reste des raisons d’espérer.

Tim Ingold est professeur émérite d’anthropologie sociale à l’université d’Aberdeen (Écosse). Il est l’auteur notamment de Marcher avec les dragons (Zones sensibles, 2013 ; Points, 2018) et d’Une Brève Histoire des lignes (Zones sensibles, 2011 ; Points, 2024).

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Catherine Van Offelen : Risquer la prudence. Une pratique de la sagesse antique

 Gallimard - Avril 2025


Comment prendre les bonnes décisions, faire les justes choix ? Cette vertigineuse question hante la condition humaine. La Grèce antique apporta une réponse lumineuse : la phronèsis. Les temps modernes ont maladroitement traduit le mot par « prudence », réduisant la force des audacieux à la faiblesse des frileux.
Or la phronèsis désigne une sagesse pratique qui emprunte à la fois à la raison et à l’intuition, au corps et à l’esprit, à la morale et à la ruse. Synthèse des vertus, elle permet d’accepter le risque sans se précipiter vers le danger, de comprendre le monde sans être paralysé par le savoir, de naviguer dans l’incertain sans s’aveugler de chimères.
Aujourd’hui, ne voulant rien risquer, l’homme est tétanisé. Pouvant tout essayer, il ne sait plus agir. Converti au principe de précaution, il se retient d’oser. La phronèsis propose un art de trancher. Elle ne nous a jamais autant manqué que dans notre présent désorienté, et nous offre un cap pour échapper à la folie du monde.

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samedi 12 avril 2025

Chantal Jaquet : Les transclasses ou la non-reproduction (rééd.)

 PUF - Avril 2025 - Quadrige

Paru en 2014, Chantal Jaquet a forgé dans cet ouvrage la notion de « transclasse », pour désigner les personnes qui passent d'un milieu social à un autre. Le concept s'est depuis largement imposé dans l'espace public. Ce livre a voulu comprendre philosophiquement le passage exceptionnel d’une classe sociale à l’autre et pour cela a forgé une méthode d’approche des cas particuliers. Dans une première partie, l'autrice a mis en évidence les causes politiques, économiques, sociales, familiales, singulières, qui président à la non-reproduction sociale, et a analysé dans une seconde partie leurs effets sur la constitution des individus qui transitent d’une classe à l’autre et sont soumis à une logique fluctuante de l’entre-deux. Cette démarche, qui a mis l’accent sur la dimension du passage « transclasse », a pensé un concours de causes, relevant aussi bien de l’histoire collective que de l’histoire intime, et a brisé l’isolement disciplinaire pour appréhender la singularité au carrefour de la philosophie, de la sociologie, de la psychologie sociale et de la littérature. C'est par la déconstruction des concepts d’identité sociale et personnelle que Chantal Jaquet a pu penser le métissage des déterminations.

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Christophe Meurée : Ellen Ripley. Survivre à l’Alien, survivre à l’avenir

 Les impressions nouvelles - Avril 2025


« Dans l’espace, personne ne vous entend crier », annonçait la phrase d’accroche de l’affiche française d’Alien en 1979. Pourtant, la voix de Ripley, « last survivor of the Nostromo », continue de résonner à travers l’espace et le temps, de films en comics, de jeux vidéo en évocations romanesques, théâtrales ou philosophiques. Si le xénomorphe est souvent considéré comme le personnage principal du film, c’est Ellen Ripley qui en est l’héroïne : ce duo indissociable de l’alien et de la femme qui le met en échec à chaque nouvelle rencontre a profondément marqué la science-fiction de son empreinte.
Né dans l’imagination de Dan O’Bannon et Ronald Shusett, le personnage de Ripley n’était pas destiné à être de sexe féminin. Pourtant, c’est bien à Sigourney Weaver, jeune comédienne issue du théâtre, que Ridley Scott confie le rôle principal du film qui lancera leurs carrières respectives. Ripley apparaît dans quatre longs-métrages signés par des réalisateurs de talent : Alien (Ridley Scott), Aliens (James Cameron), Alien3 (David Fincher) et Alien Resurrection (Jean-Pierre Jeunet). Si réalisateurs et scénaristes sont tous de sexe masculin, il n’empêche qu’ils ont tous participé à la création de l’un des modèles d’héroïne parmi les plus puissants de la fiction contemporaine : une femme qui se révèle forte dans l’épreuve, capable de surclasser n’importe quel homme, tout en assumant pleinement sa vulnérabilité.
Le lieutenant Ellen Ripley lutte non seulement contre une espèce extraterrestre parasitaire mais aussi contre un empire technologico-financier avide de profit et prêt à tous les sacrifices (surtout ceux d’autres êtres humains) pour s’approprier la pure puissance de l’alien. Éternelle survivante, Ripley se voit condamnée à une errance sans fin (jamais elle ne retourne sur la Terre, sinon en la survolant, à la fin du quatrième opus, alors qu’elle n’est déjà plus tout à fait humaine, produit d’un clonage qui a mêlé l’ADN humain et l’ADN du xénomorphe). Si elle est femme, mère, profondément humaine, elle tend irrémédiablement vers la monstruosité inhumaine que lui assigne ce rôle d’éternelle survivante, capable de prédire le futur immédiat (les dangers de l’action ou de l’inaction) comme le lointain (les dérives de l’humanité). Héroïne, Ripley l’est en ceci qu’elle représente ce qui, de l’avenir d’une humanité dévoyée, est voué à survivre.

Christophe Meurée est premier assistant scientifique aux Archives et musée de la littérature (AML) à Bruxelles. Spécialiste de théorie littéraire et de littérature contemporaine, il est l’auteur d’une vingtaine d’articles et d’une thèse intitulée La scène d’atemporalité dans le récit contemporain de langue française. Il s’intéresse désormais aux discours et personnages prophétiques ainsi qu’à l’émergence d’un « sujet apocalyptique » dans la littérature du XXe siècle. En outre, il dirige, chez Peter Lang, la collection « Marguerite Duras » et il est co-rédacteur du Bulletin de la Société Marguerite Duras.

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