mercredi 29 septembre 2010

La présentation de soi - Ethos et identité verbale

Ruth Amossy

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Paru le : 22/09/2010 – Editeur : PUF – Collection : L'interrogation philosophique – Prix : 22 €

Prendre la parole, c'est projeter bon gré, mal gré une certaine image de sa personne.
La présentation de soi, dénommée dans l'Antiquité grecque ethos, est une dimension intégrante du discours. Comment cette image s'élabore-t-elle concrètement face aux autres ? Comment construit-elle des identités et exerce-t-elle une influence ? Ces questions sont examinées sur la base de cas précis où l'image présidentielle croise celle de M Tout le Monde, où l'ethos est analysé dans l'espace public et les domaines professionnels aussi bien que dans les interactions quotidiennes et l'espace du Web.
Cet ouvrage montre en quoi la question de la présentation de soi ne cesse de nous interpeller dans tous les champs de nos activités. Au-delà des spécialistes en sciences humaines ou sociales, il s'adresse au grand public intéressé par un phénomène qui est au cœur de notre vécu et de notre actualité. Le livre de Ruth Amossy est une grande synthèse, riche de nombreux exemples puisés dans les médias, la communication politique, les interactions en société et les textes littéraires, mais aussi dans l'art de la présentation de soi tel qu'il intervient dans toutes nos pratiques professionnelles et sociales.

Interprétation(s) - Actes du colloque international inaugural, Brest, 14 au 16 février 2008

Pascal David (dir.)

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Paru le : 23/09/2010 – Editeur : PU Rennes – Collection : Essais – Prix : 20 €

L'interprétation semble aller nécessairement de pair avec une façon de s'interposer, quand elle ne passe pas pour arbitraire.
Ne consiste-t-elle pas plutôt en un certain effacement devant ce à quoi elle tente de faire droit ? Comment comprendre la promotion au XXe siècle de la question herméneutique, dans notre rapport aux textes, mais aussi à tout document, voire à autrui et au monde ? Autant de questions, parmi d'autres, à l'élucidation desquelles entend contribuer ce colloque, tant au niveau des présupposés de l'interprétation que de ses effets.
On s'attachera à dégager la rigueur propre à l'interprétation, qui ne le cède en rien à celle de l'explication dans les sciences dites "exactes", et s'avère indispensable dans la mise en évidence de la dimension symbolique et imaginaire constitutive de la réalité. La question de l'interprétation, voire de la pluralité des interprétations, complémentaires ou conflictuelles, invite à s'interroger sur la spécificité des démarches propres aux sciences humaines et sociales.
Parfois discréditée, l'interprétation demanderait-elle à être réhabilitée ?

Schelling

Jean-François Courtine (dir.)

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Paru le : 23/09/2010 – Editeur : Cerf - Collection : Cahiers Histoire Philosophie – Prix : 38 €

Schelling (1775-1854) est sans doute, parmi les auteurs de l'idéalisme allemand, celui dont la renommée précoce aura été la plus éclatante : en 1798, avec l'appui de Goethe, il est nommé, à 23 ans, professeur à l'université de Iéna.
Mais c'est aussi celui dont l'oeuvre sera progressivement éclipsée par celle du rival de toujours, Hegel, avant de sombrer dans un quasi-oubli dans la seconde moitié du XIXe siècle. Le jubilé de 1954 marque le début d'une véritable " renaissance " schellingienne, grâce notamment aux travaux de W. Schulz qui s'attache, dans une perspective heideggérienne, à fixer le " lieu philosophique " de l'auteur des Recherches sur l'essence de la liberté humaine.
La France, grâce aux contributions de X. Tilliette et de J.-F. Marquet et à un immense effort de traduction, n'est pas en reste dans cette nouvelle " réception ". En dépit de son inachèvement, voire de ses échecs retentissants (les Ages du monde), la portée, la puissance révolutionnaire de l'oeuvre apparaissent sous un jour nouveau : qu'il s'agisse d'appréhender la liberté humaine dans sa finitude (ce qui avait principalement retenu Heidegger), de statuer sur la réalité du mal, les dimensions de la temporalité, ou d'engager une vaste méditation sur l'histoire, sur son double versant : mythologie et révélation.
Les dix-sept contributions rassemblées dans ce volume entendent faire droit à cette histoire de la réception puisqu'elles comprennent des études " classiques ", comme celles de W. Schulz, L. Pareyson ou J.-F. Marquet, une synthèse originale due à X. Tilliette, et une série d'enquêtes, plus ponctuelles et déterminées, qui portent sur les principaux thèmes schellingiens au centre de la discussion contemporaine.

lundi 27 septembre 2010

Le Socratisme de Montaigne

Études réunies par Thierry Gontier et Suzel Mayer

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Parution : 2010 - Classiques Garnier - coll. "Études montaignistes" – Prix : 49 €

La vénération que Montaigne porte à Socrate s'inscrit dans une longue tradition. Montaigne cependant réinvente la figure de Socrate, en la débarrassant des scories métaphysiques dont elle était revêtue, pour en faire un modèle d'humanité. Il repense aussi sa démarche et en tire une nouvelle conception de la vie philosophique, entre la rigueur de certains modèles antiques et la sagesse spontanée du cannibale ou du paysan. Ce recueil d'études tente de définir ce nouveau socratisme, en s'interrogeant à la fois sur son originalité et sur son caractère fondateur pour la modernité : le socratisme de Montaigne n'est-il pas très proche du nôtre ? Et n'est-ce pas avec Montaigne que Socrate devient la figure tutélaire de la philosophie ?

Thierry Gontier est professeur de philosophie morale et politique à l'université Jean-Moulin – Lyon 3 et membre de l'Institut universitaire de France. Ses recherches portent sur la définition de l'anthropologie moderne et ses enjeux métaphysiques, moraux et politiques, de la Renaissance à nos jours.

Suzel Mayer est agrégée de philosophie. Elle enseigne actuellement en lycée et termine une thèse sur Montaigne et la tradition socratique, à l'université Jean-Moulin – Lyon 3.

dimanche 26 septembre 2010

La félure du cri : violence et écriture

Alain Milon

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Paru le 17/09/2010 – Editeur : Belles Lettres – Collection : Encre marine

VIVRE LE CRI pour interroger la langue dans ses limites, telle est l'intention de cet essai. Comprendre que le cri est la fin – la fissure de la phrase, et non le commencement – le balbutiement, et qu'il est porté par le rire qui annonce la langue congédiée.
Le cri est une scansion sublime pour sortir l'écrivain de sa torpeur. Il n'attend pas d’effets, l’effet de l’enfermement – enfermer celui qui crie parce que son cri signifie braillement et impossibilité à parler pour le psychiatre. Il n’attend même pas l’effet du réconfort – réconforter l’enfant qui crie de peur ou d’angoisse. Il n’attend pas non plus l’effet des hurlements de l’adolescente hystérique – traduction d’une sexualité en attente.
Le cri, en hurlant contre la langue, lutte contre la chimère du mot qui s’imagine pouvoir restituer l’objet dans sa nature. Mais le cri qui hurle n’interdit pas le mot ; il réveille la poésie dont la nature première est de distordre la phrase pour faire remonter à la surface le corps caché du langage.
René Char écrit que « la Poésie aime cette violence écumante et sa double saveur qui écoute aux portes du langage ».
Le cri est-il ce que la poésie écoute à travers les portes du langage ?
Mais surtout, le cri vient-il avant ou après le mot ?

vendredi 24 septembre 2010

Qu’est-ce qu’un philosophe français ? La vie sociale des concepts (1880-1980)

Jean-Louis Fabiani

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Parution : octobre 2010 – Edition : EHESS – Coll. : cas de figure

Le philosophe constitue l’une des figures les plus remarquables de la vie intellectuelle française. D’où vient ce statut social si spécifique à la France ? En s’intéressant aussi bien à la genèse des concepts et des systèmes qu’à la vie sociale des idées depuis les débuts de la Troisième République jusqu’aux années 1980, Jean-Louis Fabiani évoque les permanences et les évolutions de discours et de pratiques d’une discipline. Il aborde celle-ci comme objet culturel, fait éclater les formes de récit de son histoire et honore pleinement le contrat qu’il s’était fixé : donner au lecteur non initié ce qu’il faut pour comprendre comment s’est faite la philosophie.
Retraçant une histoire à pas vifs de cette discipline et des figures qui la représentent, ce livre offre une lecture vivante, pleine d’humour, notamment sur les modes de vie des philosophes (Sartre dans les hôtels miteux sans bibliothèque), leurs styles vestimentaires (le chapeau de Deleuze, le col roulé de Foucault).

mercredi 22 septembre 2010

Chardin - Le tact du peintre, le toucher du philosophe

Bertrand Vieillard

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Paru le : 16/09/2010 - Editeur : PU Rennes - Collection : Aesthética – Prix : 20 €

En un siècle où le toucher devient une des préoccupations majeures de la philosophie, la peinture de Chardin (1699-1779) met visuellement le spectateur en présence du rapport tactile de l'homme au monde.
Mais tandis que les philosophes et les savants privilégient une approche du toucher qui le définit essentiellement comme désir d'emprise sur les choses à partir du contact qu'il établit avec elles, Chardin fait place, dans le contenu de ce qu'il peint comme dans sa touche, à d'autres modalités du toucher qui tendent à une union tactile harmonieuse avec le réel. Cette visée singulière est le propre du tact qui a d'abord une signification dans l'ordre de la perception mois également dans ceux de la constitution de la subjectivité, du rapport entre les consciences et, enfin, de l'affinité objective entre les êtres.
Les tableaux de Chardin sont ainsi mis en regard avec les textes de la science et de la philosophie. Dons cette mise en regard, les tableaux sont toujours privilégiés car ils sont exemplaires de la manière dont l'oeuvre d'un grand peintre révèle à elles-mêmes, tout en les dépassant, les idées les plus fécondes qui lui sont contemporaines.

Nietzsche, De l'humour à l'éternel retour

Philippe Sergeant

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Sortie : 23/09/2010 - Editeur : La Différence - Collection : Les essais – Prix : 22 €

Traditionnellement, la philosophie n’a jamais conçu le hasard et l’humour comme des catégoriesfondamentales du devenir.
Elle s’est toujours méfiée du devenir. L’humour est une vitesse à trois temps. Ces trois temps sont à la fois trois concepts et trois figures mythologiques : Cronos, Aîon et Kaïros. Cronos fou sort de la mythologie pour entrer dans les habits raisonnables et étroits de l’Histoire. Aîon, pur instant, défait le lien entre la mythologie et l’Histoire. Kaïros est la rencontre de l’instable et du moment opportun.
Dans cet essai brillant, Philippe Sergeant explique comment Nietzsche a parcouru avec lenteur et une prudence extrême ces trois lignes du temps.

Les philosophes meurent aussi

Simon Critchley

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Sortie : 23/09/2010 - Editeur : Bourin Editeur – Prix : 23 €

Pythagore préféra se faire massacrer plutôt que de traverser un champ de fèves ; Platon serait mort d’une infestation par les poux ; Épicure accueillit sa fin avec joie, entouré de ses amis – « la mort n’est rien pour nous », disait-il ; Descartes fut emporté par une pneumonie à la suite des leçonsmatinales qu’il prodiguait au coeur de l’hiver suédois ; Voltaire, pourfendeur de l’Église, demanda à être confessé par un prêtre sur son lit de mort ; Kant termina sa vie sur ce mot : « Sufficit », « c’est assez » ; Bentham se fit embaumer pour être exposé dans une vitrine à l’University College de Londres ; Simone Weil s’est laissée mourir de faim pendant l’Occupation ; Camus est mort d’un accident de voiture, rattrapé par l’absurde ; Sartre lança un jour : « Lamort ? Je n’y pense pas » : 50 000 personnes assistèrent à ses funérailles.
« Si j’étais faiseur de livre, je ferais un registre commenté desmorts diverses » écrivait Montaigne. Le Britannique Simon Critchley s’est pris au jeu, s’intéressant à la mort de près de deux cents philosophes. Un voyage à travers les siècles et les continents pour redécouvrir l’histoire de la philosophie. Et s’interroger sur notre propre condition demortel. Philosopher, c’est apprendre à mourir.

vendredi 17 septembre 2010

Pourquoi désobéir en démocratie ?

Albert Ogien et Sandra Laugier

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Paru le : 16/09/2010 – Editeur : La Découverte – Collection : textes à l'appui – Prix : 20 €

Les raisons de se révolter ne manquent pas.
Mais on ne se révolte pas n'importe comment : en démocratie, s'engager dans un combat contre l'injustice, l'inégalité ou la domination est un geste qui doit s'exprimer sous une forme d'action politique acceptable. Parmi ces formes se trouve la désobéissance civile, héritière de la célèbre « révolte solitaire » du philosophe et écrivain américain Henry David Thoreau : elle consiste, pour le citoyen, à refuser, de façon non-violente, collective et publique, de remplir une obligation légale ou réglementaire parce qu'il la juge indigne ou illégitime, et parce qu'il ne s'y reconnaît pas.
Cette forme d'action est souvent considérée avec méfiance : pour certains, elle ne serait que la réaction sans lendemain d'une conscience froissée puisqu'elle n'est pas articulée à un projet de changement politique ; pour d'autres, à l'inverse, elle mettrait la démocratie en danger en rendant légitime un type d'action dont l'objet pourrait être d'en finir avec l'Etat de droit. Ce livre original, écrit par un sociologue et une philosophe, analyse le sens politique de la désobéissance, en l'articulant à une analyse approfondie des actes de désobéissance civile qui prolifèrent dans la France d'aujourd'hui, à l'école, à l'hôpital, à l'université, dans des entreprises, etc. Il montre comment ces actes s'ancrent avant tout dans un refus de la logique du résultat et de la performance qui s'impose aujourd'hui comme un mode de gouvernement.
A la dépossession qui le menace, dépossession de son métier, de sa langue, de sa voix, le citoyen ne peut alors répondre que par la désobéissance, dont le sens politique doit être pensé.

L’OBSCURANTISME. Formes anciennes et nouvelles d’une notion controversée

Erwan Sommerer et Jean Zaganiaris (coord.)

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Parution : septembre 2010 – L’Harmattan – Col. Inter-national – 27 €

Qu’est-ce que l’obscurantisme ? Ce terme revient régulièrement dans un contexte où l’on parle beaucoup de terrorisme et d’extrémisme religieux. Or cette association entre obscurantisme et religion ne se préoccupe ni des pratiques religieuses multiples et hétérogènes des individus, ni d’autres formes de violences qui ne sont pas forcément liées à la religion : le sexisme, le racisme, l’antisémitisme, le dogmatisme politique et économique, le paternalisme, etc. Le plus souvent, le terme est utilisé de manière spontanée et non problématisée, dans un registre polémique, pour disqualifier l’autre. Plus rares sont les approches qui tentent d’en proposer une définition cohérente et de l’aborder dans la perspective des sciences humaines. À travers les contributions de chercheurs en sociologie, en science politique et en philosophie, ce livre établit un tour d’horizon de la notion d’obscurantisme, analysant son histoire, ses multiples usages et certaines de ses incarnations contemporaines. Un ouvrage qui met en cause brillamment beaucoup de nos stéréotypes.

Coordinateurs

Erwan Sommerer, docteur en science politique, post-doctorant au CREDAL (IHEAL - Paris III), membre du Groupe d’Études Sieyèsiennes (GES) et chargé d’enseignement au CELSA.

Jean Zaganiaris, docteur en science politique, rattaché au CURAPP et associé au CJB ; enseignant et coordinateur pédagogique à Com’Sup (École Supérieure de Communication et de Publicité à Casablanca).

Avec Soufian AlKarjousli, Christophe Béal, Magali Boumaza, Christophe Dinouard, Sandra Fagbohoun, Renée Fregosi, Christian Martinez Perez, Nadia Marzouki, Mohamed Mouaqit, Loïc Nicolas, Erwan Sommerer, Jean Zaganiaris, Paul Zawadzki et Anna C. Zielinska.

mercredi 15 septembre 2010

Le Grand Accélérateur

Paul Virilio

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Sortie : 16/09/2010 – Editeur : Galilée – Collection : l'espace critique – 17 €

Dans cet impromptu, Paul Virilio réécrit « Le Livre de l’exode », un exode non plus en ligne vers une éventuelle Terre promise, mais un exode en circuit fermé, dans un monde trop étroit où le déstockage de l’humanité surgirait telle l’unique solution au renfermement de l’histoire.
   À l’heure où le Grand collisionneur du CERN de Genève poursuit sa ronde à la recherche de « la particule de Dieu », et à l’instant précis où les États-Unis renoncent à retourner bivouaquer sur la Lune, pour financer le grand cirque des satellites, l’ère de l’anthropostatique sédentarité du peuplement humain va cesser devant l’exigence d’une mobilité forcée où les délocalisations et le désœuvrement provoqueront le Grand Soir du Progrès.

Discussion sur le péché

Georges Bataille

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Sortie : 17/09/2010 – Editeur : Nouvelles Editions Lignes – Prix : 16 €

Texte intégral de la conférence prononcée le 5 mars 1944 par Georges Bataille, et de la célèbre « discussion » qui a suivi. Étaient notamment présents, à l’invitation de Marcel Moré : Arthur Adamov, Maurice Blanchot, Pierre Burgelin, Simone de Beauvoir, Albert Camus, Jean Daniélou, Dominique Dubarle, Maurice de Gandillac, Jean Hyppolite, Pierre Klossowski, Michel Leiris, Jacques Madaule, Gabriel Marcel, Louis Massignon, Maurice Merleau-Ponty, Jean Paulhan, Pierre Prévost, Jean-Paul Sartre...

Présentation de Michel Surya

N’est-il pas étrange
- 1. qu’en pleine guerre – nous sommes en mars1944 –, dans Paris occupé, se soit réuni un tel aréopage d’intellectuels, sans conteste, pour la plupart, ceux qui compteront sitôt la Libération venue (en même temps, pour beaucoup, de ceux qu’on sait avoir assisté au séminaire de Kojève sur la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel avant la guerre)  ;
- 2. que cette réunion n’ait pas eu lieu dans quelque but que ce soit touchant à la Résistance (on pourrait l’imaginer  ; on aurait pu le désirer)  ;
- 3. qu’elle ait eu lieu autour du seul Georges Bataille et du premier de ses livres un peu connus (L’Expérience intérieure)  ;
- 4. que Georges Bataille et L’Expérience intérieure aient fait que cette réunion ait été menée autour du plus inactuel des thèmes  : le péché  ;
- 5. que cette réunion, organisée autour du plus inactuel des thèmes que le péché pouvait être alors, en mars1944, dans Paris occupé, ait en fait servi de moyen de solder une querelle qui n’aurait été ni moins inactuelle ni moins déplacée entre l’auteur de L’Expérience intérieure et celui de L’Être et le Néant  ? Il en a pourtant été ainsi de la vie pendant la guerre dans Paris occupé, au lendemain de l’une des années éditoriales françaises les plus riches  : on a ça et là tenté d’en écrire l’histoire  ; on ne l’a pas pour autant pensée si peu que ce soit.

Reprenons par le début cette histoire qui n’est décidément pas avare en étrangetés en tout genre. Bataille et Sartre – parce que, somme toute, c’est d’eux qu’il est essentiellement question dans cette affaire, c’est eux que cette rencontre oppose, quelque nombreux que soient ceux qui y assistent aussi et qui y prennent part – Bataille et Sartre ont tous deux publié deux livres essentiels l’année précédente  : L’Expérience intérieure, je l’ai dit, et L’Être et le Néant. Chacun à sa façon va marquer les années à venir. L’Être et le Néant, on sait comment et avec quel éclat  : de lui va naître l’existentialisme dans lequel c’est toute une génération qui va se reconnaître. L’histoire en a été faite, nul besoin d’y revenir. L’étonnant, c’est qu’il ne soit, dans cette querelle, qu’assez peu question de ce livre majeur promis à tous les succès, mais essentiellement de celui de Bataille, qui n’en connaîtra aucun. La faute en incombe paradoxalement à Sartre qui s’en était longuement (trois livraisons) et violemment (alternent hargne et ironie) pris à lui dans une recension des Cahiers du Sud, intitulée  : « Un nouveau mystique ». Les mots en sont durs, l’incompréhension à peu près totale, au moins en apparence (Sartre est trop intelligent pour que son incompréhension ne soit pas feinte). Je reproduis ici quelques passages qui en témoignent  : « On connaît ces fameux raisonnements glacés et brûlants, inquiétants dans leur aigre abstraction, dont usent les passionnés, les paranoïaques  : leur rigueur est déjà un défi, une menace, leur louche immobilité fait pressentir une lave tumultueuse. tels sont les syllogismes de M. Bataille. Preuves d’orateur, de jaloux, d’avocat, de fou. » ; « Le reste est affaire de la psychanalyse. Qu’on ne se récrie pas  : je ne pense pas ici aux méthodes grossières et suspectes de Freud, d’Adler ou de Jung  : il est d’autres psychanalyses. » (lesquelles, Sartre ne le dit pas qui ne semble pas suspecter moins Freud que Bataille, c’est dire…) Le réquisitoire est si violent que l’affaire aurait dû d’en trouver close. Marcel Moré, autre étrange personnage dont l’histoire reste à écrire, n’en est pas convenu si facilement. Il a même au contraire décidé d’inviter à l’une des soirées qu’il organisait chez lui les deux hommes à débattre. Eux deux et beaucoup d’autres avec. Dont il est possible de dire que, pour les uns, ils étaient apparentés à Bataille (Blanchot, Klossowski, Leiris) pour d’autres à Sartre (Beauvoir, Merleau-Ponty…) De troisièmes, il était sans doute possible de penser qu’ils seraient neutres (Gandillac, Paulhan, Adamov, par exemple). Mais de quatrièmes, on sait qu’ils n’avaient pas moins ménagé Bataille que Sartre lui-même, quoique d’un point de vue tout différent  ; ainsi du chrétien Gabriel Marcel, lequel avait conclu son étude de L’Expérience intérieure en ces termes  : « Je doute en vérité qu’on ait jamais été plus loin dans la formulation d’un nihilisme radical. » (Les chrétiens sont très représentés, sans doute justifiés à l’être par le thème de la rencontre – le péché  ; on remarquera par contre l’absence de tout surréaliste, même de la deuxième génération qui avait pourtant aussi attaqué cette Expérience intérieure au moyen d’un tract intitulé « Nom de Dieu »).

Ce sont ces trois parties que nous reproduisons dans ce livre : la conférence originale de Bataille, absente dans la première édition de cette la Discussion dans le revue Dieu vivant car Bataille l’avait reprise (dans une version légèrement modifiée) dans son Sur Nietzche ; l’exposé de Daniélou servant d’introduction aux débats ; enfin, la Discussion elle-même, qui constitue le cœur de ce petit théâtre conceptuel, sado-klossowskien s’il n’était pas avant tout bataillien, où se découvre un Bataille étrange, tantôt étonnamment doux et cauteleux (adoptant la position du coupable), tantôt brutalement rhéteur, ne le cédant en rien à Sartre, à la fin s’assurant sur lui d’un avantage inattendu, si ce n’est décisif. Sartre, d’ailleurs, ne parlera plus de lui, à l’avenir qu’avec circonspection et respect.

vendredi 10 septembre 2010

Hobbes et le sujet du droit - Contractualisme et consentement

Julie Saada


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Paru le 09/09/2010 – Editeur : CNRS – Prix : 25 €
La réflexion sur le droit peut-elle saisir son objet comme s’il se déployait dans une sphère autonome, ou bien doit-elle rapporter la logique juridique aux usages politiques qui en sont faits ?
Partant de cette question, Hobbes et le sujet de droit met en lumière la rationalité juridique développée par Hobbes – rarement étudiée comme telle. Le philosophe rompt en effet avec les doctrines classiques de la loi pour penser l’autonomie du droit et le type de normativité qu’il instaure. Faisant de la volonté de l’individu la racine de l’ordre juridique institué, Hobbes construit une théorie inédite de l’obligation et une pensée du contractualisme centrée sur l’affirmation du sujet de droit, cette autre figure de la subjectivité.
Mais cette pensée d’un sujet fondateur de l’ordre politique n’engendre-t-elle pas de nouvelles formes d’assujettissement ? Inscrit dans un système représentatif, jouissant d’une liberté négative plutôt que d’une absence de dépendance, le sujet de droit n’en vient-il pas à consentir à sa propre servitude ? Telles sont les interrogations qui traversent cet ouvrage et orientent une lecture politique de ce moment décisif de la rationalité juridique moderne.

Petite scénologie de la pensée. Expérience sur l’idiopathie humaine

Virginie Boutin

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Parution : septembre 2010 – L’Harmattan – Coll. Ouverture Philosophique – 12,50 €

La sélection naturelle pour nouveau théâtre conceptuel, la pensée se définirait-elle dans un sens purement biologique, comme le rapport adaptatif qui lie l’espèce et l’individu à leur milieu ? Interface entre l’expérience sensible et les liaisons que le cerveau combine, la pensée serait-elle ce singulier produit de son face-à-face avec la vie ? Et si entre le corps et le dehors, il y a la pensée qui pense leur rapport, n’est-ce pas à considérer l’intellection de cette relation comme la nécessité à laquelle se conformer, en s’inventant dans cet intervalle particulier ? Dès lors, que serait « penser » sinon cette disposition à mettre en scène le rapport entre soi et le monde ? La pensée s’est conçue à la vie en la concevant, anthropomorphismes et anthropocentrismes sont donc les suites naturelles de notre processus évolutif. La pertinence de cet essai est bien de disséquer la pensée à l’endroit de la vie qu’elle fonde en idées et ainsi rejouer l’invention permanente de la pensée en évolution, à travers nos conceptions du monde enfantées par les sciences et la philosophie, de l’émergence du phénomène humain à notre contemporanéité.

mercredi 8 septembre 2010

Essai sur la jalousie - L'enfer proustien

Nicolas Grimaldi

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Paru le : 08/09/2010 – Editeur : PUF – Collection : perspectives critiques – Prix : 16 €

« Etes-vous jaloux ? Quand on l’est un peu, cela n’est pas tout à fait désagréable.
Cela permet à des gens qui ne sont pas curieux de s’intéresser à la vie des autres personnes, ou au moins d’une autre. Et puis, cela fait assez bien sentir la douceur de posséder. Mais cela, ce n’est que dans les tout premiers débuts du mal ou quand la guérison est presque complète. Dans l’intervalle, c’est le plus affreux des supplices ». Comme l’étude des maladies permet de mieux comprendre le fonctionnement normal de la physiologie, c’est la vie de l’imaginaire que j’ai tenté de décrire en étudiant la jalousie comme l’une de ses formes les plus ordinairement délirantes.

De surcroît - Etudes sur les phénomènes saturés

Jean-Luc Marion

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Paru le : 08/09/2010 – Editeur : PUF – Collection : Quadrige Essais Débats – Prix : 18 €

Les phénomènes apparaissent-ils toujours selon la calme adéquation en eux de l'intuition avec la signification, voire, plus souvent, avec un déficit d'intuition ? Ou bien certains, les phénomènes saturés, n'apparaissent ils pas plutôt grâce au surcroît irrépressible de l'intuition sur tous les concepts et toutes les significations que l'on voudrait leur assigner ? Cette question avait surgi du principe « Autant de réduction, autant de donation » (dans Réduction et donation.
Recherches sur Husserl, Heidegger et la phénoménologie, 1989) et conduit à dégager la donation, telle qu'elle déplie ce qui se donne et ce qui se montre (avec Etant donné. Essai d'une phénoménologie de la donation, 1997). Reste, une fois ces acquis répétés, à étudier en eux-mêmes chacun des quatre types de phénomènes saturés : l'événement (saturé selon la quantité), l'idole ou tableau (saturé selon la qualité), la chair (saturée selon la relation) et enfin l'icône ou visage d'autrui (saturé selon la modalité).
Il devient alors pensable d'étudier leur combinaison dans ce qu'on doit thématiser comme un phénomène saturé à la puissance, un paradoxe des paradoxes, le phénomène de révélation. En l'occurrence, il s'agit de comprendre (contre une féconde critique de J Derrida) les trois moments de la théologie mystique (affirmation, négation, hyperbole) non seulement comme l'accomplissement d'un phénomène saturé exemplaire, mais encore comme la répétition de toute phénoménalité de l'excès.
De surcroît donc. Parce qu'il s'agit de l'excès du donné qui se montre. Parce qu'il s'agit aussi de l'exposer une nouvelle fois.

L'Echo et l'Arc-en-ciel - Cinquante-deux essais sur l'attention

Gil Delannoi

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Paru le : 08/09/2010 – Editeur : Berg International – Prix : 16 €

Les 52 chapitres de ce livre ont été conçus comme une suite d’approches de la contemplation.
Il s’agit de l’attention aux choses immenses ou minuscules, humaines ou naturelles, durables ou passagères, artistiques ou ordinaires. L’attention a besoin de l’art, l’art a besoin de l’attention, et tous deux ont besoin de la lenteur. La plupart des chapitres forment de petits exercices d’attention, de contemplation, avec ou sans illustration de textes. Enfin, certains de ces chapitres sont une incitation historique à la découverte et au renouvellement de nos propres capacités d’attention : ils sont élaborés au moment où la tradition poétique de l’Extrême-Orient commence à être visible et lisible.

L'appel de l'ombre - Puissance de l'irrationnel

Thérèse Delpech

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Paru le 08/09/10 – Edition : Grasset : prix : 13 €

Ce qui frappe le plus dans les expressions de la conscience contemporaine, ce n’est pas tant l’exigence rationnelle que le besoin de faire à nouveau une place à l’irrationnel, composante essentielle du psychisme humain.
Ce livre met en scène des fragments de l’histoire biblique, de la littérature classique ou de l’aventure scientifique, qui ont en commun d’échapper à l’activité rationnelle. Il n’a pas pour objet, comme le proposaient les jansénistes, d’humilier la raison, à un moment où une défense et illustration de celle-ci serait amplement justifiée, mais de suggérer qu’à tout vouloir rationaliser, on court le risque de perdre le sens de l’énigme, un des plaisirs inépuisables de l’esprit ; d’assécher la source des plus hautes activités humaines – parmi lesquelles se trouve l’art – et de compromettre l’exercice même de la raison en ignorant les aspects les plus obscurs du psychisme.

lundi 6 septembre 2010

Les yeux de la nuit. Essai sur le romantisme allemand

Alain Montandon

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2010 - Presses Universitaires Blaise Pascal – '”Révolutions et romantisme” – 30 €

L’auteur propose une relecture de la littérature romantique allemande à partir du fil rouge d’une nouvelle poétique fondée sur le nocturne. La problématique de la nuit qui pose le problème de l’irreprésentable ouvre une crise profonde de la mimesis qui avait été jusqu’alors au fondement de l’esthétique. L’une des originalités de cette approche novatrice est de replacer ce changement de paradigme dans l’histoire des techniques, caractérisée par une fondamentale révolution de l’éclairage qui a pour conséquence une sensibilité nouvelle à la lumière et aux ténèbres et de nouveaux regards. La lumière a véritablement éclairé la nuit en révélant des champs nouveaux contemporains d’une crise de la représentation qui est une des sources fondamentales de la modernité. Depuis les Lumières jusqu’au néoromantisme l’auteur s’attache, sans négliger l’apport des sciences de la nature et de la philosophie à cette exploration du nocturne en littérature et en peinture, en mettant en avant de nombreux aspects, mystiques, poétiques, fantastiques, inconscients, nihilistes, etc. dans cet espace et ce temps privilégiés où se jouent des vérités substantielles.

jeudi 2 septembre 2010

Le Totalitarisme. Origines d'un concept, genèse d'un débat – 1930-1942

Bernard Bruneteau

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Parution : aoüt 2010 – Editions : Cerf, politique – Prix : 38 €

Le totalitarisme a dominé et écrasé une bonne partie du XXe siècle. Qualifiant une forme de pouvoir « total », le mot désigne aussi un concept (l'idéal-type dudit pouvoir) et une théorie (une catégorie de régime opposé à la démocratie). Utilisé de façon polémique au temps de la Guerre froide, il a constitué un enjeu politique majeur et, aujourd'hui encore, son usage semble sacrilège pour ceux qui refusent tout parallèle entre l'Allemagne nazie et l'URSS stalinienne, entre une idéologie raciste et une utopie universaliste, même dévoyée.
Dans cette anthologie, sont présentés plus de cinquante textes souvent inédits ou oubliés. Ils mettent en lumière l'historicité d'un concept qui, en réalité, doit peu aux affrontements de la Guerre froide. En effet, c'est « à chaud », dans les années 1930, en plein développement du communisme en URSS, du fascisme en Italie, puis du nazisme en Allemagne, que les premières perspectives comparatistes apparurent. Bien avant les analyses canoniques d'Hannah Arendt, des philosophes, des juristes, des historiens et des économistes, européens et américains, ont précisé les mécanismes idéologiques et les structures de pouvoir présidant à une convergence entre les trois régimes. Lieu commun de la réflexion politique dans l'avant-guerre, le totalitarisme est alors au cœur d'un renouvellement des questionnements sur la démocratie, sur sa refondation philosophique, sur la protection que peut lui assurer la loi. Et pour ceux qui définissent une nouvelle catégorie de dictature, fondamentalement différente des formes traditionnelles, le combat contre elle va bien au-delà du seul antifascisme.