Ed. de Minuit - Août 2023
Numéro spécial coordonné par Thierry Hoquet.
Longtemps le couple parental fut le pilier des sociétés patriarcales et hétérosexuelles. « Papa-maman » (au singulier) y désignait l’horizon indépassable du foyer censé produire et élever les enfants. Cette norme naturalisée, décriée comme « bourgeoise », régentait le corps social tout entier et le « Famille je vous hais ! » d’un Gide ne faisait que confirmer son empire. Les temps ont changé et si nul ne se soucie aujourd'hui de conspuer la famille, c’est qu’elle est dans tous ses états.
L’idée qu’il faille nécessairement un Père et une Mère pour faire naître et grandir des enfants semble datée, voire ringarde. L’hégémonie de l’ancien modèle parental est remise en cause tant par les avancées médicales (procréation médicalement assistée, gestation pour autrui, greffes d’utérus ou dons de mitochondries) que par des évolutions sociétales qui perturbent la symbolique conventionnelle.
Traditionnellement, le père a toujours été jugé « incertain » par le droit, par opposition à la mère, « certaine » par la grossesse et l’accouchement. Les techniques de procréation changent la donne et la figure maternelle elle-même perd un peu de son évidence. Quand l’enfant est conçu dans une éprouvette, qui sera véritablement « parent » de l’enfant à naître : le donneur de gamète (spermatozoïde, ovocyte), la personne qui le porte, celle qui l’éduque ?
Au cœur de notre psychologie, Freud avait placé le complexe d’Œdipe : tuer le père, coucher avec la mère. Mais ce nouage de la constitution psychique (celle des hommes, du moins) est-il encore opératoire dans ces organisations nouvelles que sont la famille « queer », homoparentale ou transparentale ?
Ce numéro spécial de Critique interroge les silhouettes de Papa et Maman telles que les redécoupent des bouleversements biomédicaux et légaux sans précédent ; il s’efforce aussi d’en éclairer les mutations en les confrontant aux figures que l’histoire, la littérature ou le cinéma ont fixées dans notre imaginaire, depuis le père absent ou despotique à la mère infanticide ou incestueuse.
Papas-Mamans : les inconnu(e)s dans la maison ?
Sommaire
Présentation
Antoine COMPAGNON : Les mères profanées
Christine DÉTREZ : À corps et à rires
Pedro CORDOBA : In memoriam Hildegart. Un devenir-femme de l’humanité
Irina OKUNEVA : Orphelins d’État et peuple orphelin en Russie post-soviétique
Marc CERISUELO : Papa, pas maman, Shakespeare et moi
Pierre BIRNBAUM : Les pères coupables ?
Olivier BAUER : « Notre père-mère qui es aux cieux »
Claudine COHEN : Parentés, échanges, hybridations : nouveaux regards sur la famille humaine
Gabrielle RADICA : Nouveaux parents, service minimum ?
François ANSERMET et Ariane GIACOBINO : Mères. Certaines, incertaines ou multiples ?
Pierre NIEDERGANG : Œdipe zombie. Familles queers, inceste et tradition psychanalytique
Thierry HOQUET : Œdipe sous le signe du Trois. Papa, maman et moi
Les auteurs