Tout au long de sa vie, Malévitch n’a cessé d’écrire. Manifestes, articles se sont succédé. De 1920 à 1928, il s’arrête même de peindre pour se retirer, dit-il, « dans le domaine nouveau, pour moi, de la pensée ». Pourquoi ? C’est que « par le pinceau, il n’est pas possible d’obtenir ce que l’on peut obtenir par la plume ». Ainsi, Malévitch n’est pas seulement un peintre, c’est aussi un écrivain, un penseur ; il est donc essentiel de le lire si l’on veut accéder à la compréhension du « monde sans-objet », qui lui est apparu lors de la réalisation de son célèbre tableau Carré noir sur fond blanc. Certes, ses écrits sont souvent considérés comme obscurs, voire incohérents. Mais en réalité ils évèlent une unité de sens et un ordre logique de la pensée, constitutifs d’une doctrine, le suprématisme.
Cet essai propose une introduction à cette doctrine, avec la plus grande prudence en raison de la puissance et de l’originalité des écrits eux-mêmes. L’intérêt d’un tel essai est naturellement d’ordre esthétique : il tente d’apporter des clefs pour déchiffrer la peinture de Malévitch à la fois suprématiste et post-suprématiste.
Mais un motif plus impérieux encore justifie ce travail de clarification doctrinale. C’est le fait que Malévitch nous propose une critique du monde moderne qui, selon lui, a succombé à la séduction de l’objet, notamment pratique ; un objet qui tend à devenir indigent, vide et ne fait que satisfaire notre « désir d’assouvissement ». L’abstraction au sens de Malévitch relève donc d’une expérience artistique mais aussi spirituelle qui précisément nous libère de l’objet, nous fait entrer dans une « nouvelle réalité », le « monde blanc ». Ce qui est la condition pour « retrouver le fonds de l’homme, libéré de la bête ».
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