Derrida est un philosophe exemplaire du xxe siècle. Il connaît remarquablement tout ce qui s’est écrit en philosophie depuis Platon. Il partage avec Descartes le geste de rompre, de déconstruire, de déterminer de nouvelles références pour s’orienter, aujourd’hui, après le siècle des Grandes Guerres, des grandes crises, siècle en lequel l’homme se voit capable de tout détruire, de porter l’évolution vers sa propre fin. L’idée de finitude veut dire non seulement la limite de notre pouvoir de connaître mais encore celle des illusions de la modernité. Pour la première fois sans doute, au nom de la grandeur de l’humanité, de sa puissance, de sa morale et des progrès dont l’homme s’est voulu le maître, un monde est menacé de finir. Mais Derrida n’en reste pas à un constat de fin des temps. Sa déconstruction de la tradition se fixe pour but de délivrer un autre sens que celui de la raison si autoritaire et autocratique. Un sens qui ouvre des perspectives du côté de l’art, de la technique, des folies littéraires autant que de la vie animale dont le regard touche un réel très différent. L’univers des signes n’est pas le propre de l’homme et se trouve tracé déjà par des choses qui ne dépendent pas de nous, de notre interprétation, des ressources de notre domination intellectuelle. C’est cette approche des signes libérés de l’autorité de la conscience que ce livre veut reprendre avec Derrida pour reconduire à un réel autrement sensible. Réalité qui ne se laissera plus absorber par la finitude, par les fins de l’homme qui avaient bouché l’horizon en enfermant toute vie dans les ressources du “ moi ” le plus haïssable.
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