Au coeur de la vie politique des hommes gît un trésor, aujourd'hui perdu. Les révolutionnaires du XVIIIe siècle pouvaient encore le nommer. En Amérique on l'appelait "bonheur public", dans la France des Lumières son nom était "liberté publique". En certaines circonstances, rares et précaires, ce trésor sans âge resurgit dans l'action politique conduite à plusieurs, lorsqu'avec elle se crée un espace public où la liberté peut paraître. Alors un lien se noue, qui déploie entre les hommes un monde commun. Tel est le bien public. En évoquant ce trésor perdu, la philosophie d'Hannah Arendt nous invite à retrouver, à l'écart de tout pragmatisme comme de tout moralisme, le sens instituant de l'action politique qui a le monde comme condition et comme fin. C'est dans la mesure où les actions sont politiques que le monde peut être partagé; et dans la mesure où elles visent un monde commun que ces actions sont proprement politiques. Toute politique s'apprécie au regard du monde qu'elle est susceptible d'instaurer. N'est-ce pas pourtant à l'aliénation du monde que la politique moderne nous condamne au contraire ? Le trésor serait-il pour nous définitivement perdu ? Ce livre suggère que, loin de proposer une philosophie politique parmi d'autres, la réflexion arendtienne inaugure une intelligence de l'action politique qui redonne sens au "vivre-ensemble". En son coeur se tient l'analyse originale et décisive de ce qu'on peut nommer l'acosmisme du monde moderne, cette perte du monde éprouvée aussi bien dans le système totalitaire que dans la prétention technoscientifique de nos sociétés à maîtriser les conditions d'existence.
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