jeudi 29 août 2019

Francois Noudelmann : Penser avec les oreilles

Max Milo - Août 2019 - Collection : Voix libres


Et si nous enlevions les bouchons de nos oreilles pour entendre enfin le son des idées? La pensée fait du bruit, nous l'avons oublié : de grands vacarmes ou de légers bruissements. La voix des philosophes, leurs accents, font partie de leur pensée. François Noudelmann étudie les milieux sonores les plus favorables à la réflexion et propose une écologie sonore de la pensée.

La pensée fait du bruit, non seulement lorsqu'elle parle, mais aussi dans ses textes. La voix, le ton, l'accent, l'intensité, le volume font partie des idées. Une pensée doit s'écouter, déclarait Nietzsche qui se vantait d'avoir les oreilles les plus petites mais les meilleures de la philosophie. 
L'attention récente portée aux voix de philosophes, grâce aux enregistrements audio-visuels de penseurs tels que Arendt, Sartre, Beauvoir, Deleuze, Lacan, Foucault, Barthes, Kristeva... a influencé la façon de les lire et de les comprendre. À l'oral, mais aussi à l'écrit, des souffles, des vitesses, des rythmes particuliers inspirent le développement de leur pensée. Parfois ce sont des accents régionaux qu'un philosophe exprime, comme le bourguignon Bachelard, ou qu'il veut réprimer, comme Derrida, honteux de son accent juif algérien, ou encore le béarnais Bourdieu... Ausculter les textes, c'est écouter aussi les silences, les sons inarticulés –; hurlements ou murmures –; qui se logent dans la pensée : Deleuze entendait des cris dans les concepts de Spinoza. 
Et si nous écoutions les œuvres philosophiques comme des paysages sonores? 
Les sound studies se sont développées en Amérique du Nord depuis une dizaine d'années et enrichissent peu à peu l'histoire, la littérature, la sociologie, l'écologie. Cet essai propose d'en montrer la puissance pour une toute nouvelle approche de la philosophie : il observe les dispositifs acoustiques de la parole et de l'écriture philosophiques, dès l'Antiquité, lorsque Pythagore se cachait derrière un rideau pour enseigner à ses disciples, jusqu'aux théoriciens de l'écologie sonore qui montrent les enjeux politiques du son. 
Apprendre à lire avec les oreilles, tel est le programme d'une nouvelle écoute qui découvre les significations inouïes de la philosophie. 

François Noudelmann a écrit de nombreux essais sur la littérature et la philosophie, traduits en une dizaine de langues, parmi lesquels Le Génie du mensonge (Max Milo, 2015), Les Airs de famille, une philosophie des affinités (Gallimard 2012), Le Toucher des philosophes. Sartre, Nietzsche et Barthes au piano (Gallimard, 2008), Pour en finir avec la généalogie (Léo Scheer, 2004). Il a dirigé le Collège international de philosophie et fut producteur à France-Culture pendant onze ans. Il est aujourd'hui professeur à l'université de Paris 8 et membre de l'Institut Universitaire de France. Il enseigne régulièrement à New York University où il développe ses recherches sur les paysages sonores de la littérature et de la philosophie (Soundings and Soundscapes, Edinburgh University Press, 2018).

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