dimanche 7 février 2021

Jérôme Thélot : Géricault. Généalogie de la peinture

 L'Atelier contemporain - Février 2021


On connaît Géricault pour ses peintures de chevaux transis par la foudre, pour ses portraits d’enfants les plus troublants de l’art français, pour ses têtes de fous qui n’ont aucun équivalent dans l’histoire de la peinture, et pour son immense tableau révolutionnaire et moderne, Le Radeau de la Méduse, chef-d’œuvre du Romantisme et protestation de la vie jusque dans la mort. On sait aussi que sa vie fut brève et fulgurante, son œuvre inachevée mais géniale, et que sa mémoire fut révérée par tous les artistes du XIXe siècle. Mais on ne savait pas ce que Jérôme Thélot montre ici, que Géricault fut en outre un penseur, aussi grand qu’il fut grand artiste. Exposant la pensée interne à son art, et la « philosophie en acte » qui s’y réfléchit, cet essai dessine un portrait fascinant, en cinq chapitres qui suivent l’aventure existentielle du peintre. On découvre d’abord dans ses premiers ouvrages de 1808 à 1814 le premier tourment de Géricault, qui fut de questionner la différence entre l’homme et l’animal, son travail se définissant alors comme « conscience de soi de la peinture », où « l’existence humaine sort de la vie par la représentation ». Ensuite, de 1814 à 1817, en particulier dans les études extraordinaires exécutées en Italie, on voit que l’artiste remonte « jusqu’au fondement de la représentation dans la violence ». Puis l’analye du tableau de 1819, Le Radeau de la Méduse, révèle que sa « généalogie de la peinture » s’y parachève, exhibant dans la vie originaire, et dans la volonté de survie, la provenance de la violence. Au cours des années d’avant sa mort en 1824, éclate enfin la force la plus audacieuse dont le peintre fut doué – la force de la miséricorde –, qui fait la beauté irrésistible de ses lithographies, de ses portraits et de ses études de tête, où, « abaissant son art », il en a réalisé la « possibilité la plus féconde », témoignant de la « présence » d’autrui, et de la « transcendance de cette présence par rapport à toute image ». Ainsi l’essai de Jérôme Thélot manifeste l’unité profonde de l’œuvre entière de Géricault : comme connaissance de soi, critique de la violence, affirmation de la vie et lucidité de la compassion.

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