Le rôle de
l'imaginaire dans la découverte. Regards croisés sur les sciences et les arts.
Par Sylvie Catellin et Xavier Hautbois (premières lignes)
" Dans l'usage courant, l'imaginaire est défini comme le
produit de l'imagination ; est imaginaire ce qui est irréel, fictif. En
Occident, une longue tradition a séparé la connaissance scientifique et l'imagination,
celle-ci étant considérée comme un facteur d'erreur et de fausseté. Le
rationalisme et le positivisme l'on exclue des procédures intellectuelles
légitimes. Au XXe siècle, pour Bachelard, l'imagination était un obstacle
épistémologique et la science devait se défaire de la puissance imaginative
pour atteindre une rationalité abstraite. D'un côté, la conceptualisation dans
la science, de l'autre, la rêverie et la poésie, deux versants supposés
contradictoires du psychisme humain. Aux yeux de nombreux scientifiques
cependant, la découverte s'appuie sur l'imagination. Poincaré et Hadamard ont
montré que l'imaginaire et l'inconscient jouent un rôle important dans
l'invention mathématique. Einstein écrivait qu'il pensait d'abord en images,
pour ne citer que quelques exemples parmi les plus célèbres. Plus récemment,
l'historien des sciences Gérald Holton a montré, dans son livre L'imagination scientifique (1981),
comment l'imaginaire des scientifiques détermine leur représentation de l'objet
étudié, donc leur méthode et leurs résultats. Il nomme "thêmata" les éléments
thématiques non réfutables, parfois inconscients, qui stimulent le travail du
chercheur et peuvent déterminer une orientation ou une polarisation au sein
d'une communauté scientifique. L'imaginaire participe de l'élaboration du
savoir tout autant qu'il lui fait obstacle, et en ce sens, il est constitutif
de la science. "
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