François Calori et Dominique Pradelle (dir.)
Paru le : 05/03/2009
Editeur : Minuit (Les Editions de)
Prix : 10 €
Ce numéro s'ouvre sur la traduction de la dissertation de Schelling Sur le rapport du réal et de l'idéal dans la nature, qui fut publiée en 1806 en guise de préface à la seconde édition de l'Aine du Monde ( 1798 ).
En quelques pages denses, elle vise à faire le lien entre la Naturphilosophie du jeune Schelling et celle qui, à partir de 1801, se retrouve intégrée au système de la " philosophie de l'identité ". A partir d'une redéfinition dynamique de l'absolu comme lien intérieur et nécessaire du fini et de l'infini, ou comme désir infini de sa propre révélation, Schelling reconstruit ici une nouvelle fois les concepts essentiels d'une philosophie de la nature destinée à élucider les modalités de la présence de l'absolu.
Le numéro se poursuit avec un ensemble de deux textes, qui traitent tous deux de la philosophie husserlienne du langage et de la signification. Le premier d'entre eux est la traduction française des Leçons n° 9 et 10 des Vorlesungen zur Einfiihrung in die sprachanalytische Philosophie ( Leçons pour introduire à la philosophie analytique du langage ) du philosophe allemand Ernst Tugendhat, parues en 1976, qui n'ont pour l'instant bénéficié d'aucune traduction française.
Elles constituent pourtant, au sein de l'œuvre de Tugendhat, une pièce centrale si l'on veut acquérir une intelligibilité des rapports qu'" entretient sa pensée avec celle de Husserl " et, plus généralement, pour penser rigoureusement l'articulation entre la philosophie analytique du langage et la doctrine déployée dans les Recherches logiques. En particulier, Tugendhat entreprend dans les Leçons n° 9 et 10 une reductio ad absurdum du projet phénoménologique dans son ensemble à partir des insuffisances ou, selon ses propres termes, de " l'échec " de la sémantique de Husserl.
En concevant la signification de toute expression comme ce qui permet à une conscience de se rapporter à des objets - qu'ils soient simples ou complexes, sensibles ou idéaux -, non seulement Husserl aurait succombé à une conception trop étroite de la signification, méconnaissant la variété des règles d'emploi des expressions dans le langage ; mais il aurait en outre abouti à une conception incohérente.
Sans nier les limites de la sémantique husserlienne, l'article de Claude Romano intitulé " Tugendhat, Husserl et l'objectivisme sémantique " s'efforce de montrer que l'incohérence alléguée par Tugendhat n'existe pas, et que, loin de rendre plausible le tournant analytique, son argumentation en présuppose la validité - reposant ainsi, en dernière instance, sur une pétition de principe. Enfin, dans " Le lieu et l'exil ", Vincent Giraud déploie une méditation phénoménologique originale sur le lieu, nourrie de références littéraires à Flaubert, Proust, St-John Perse et Bonnefoy - question qui, loin de se réduire à un thème régional, engage la teneur même de l'être-au-monde.
Il ne s'agit pas d'y démontrer l'irréductibilité ni l'irreconductibilité du lieu à l'espace, thèse constamment présente dans l'œuvre du premier, et surtout du second Heidegger -, mais d'interroger la production même du lieu et la nature de ce qui préside à son émergence, et ce à travers la considération des figures d'existence que constituent la vie décentrée, le lieu subi ou élu, et enfin l'acte humain d'habiter.
Dans le sillage de Levinas, l'ambition de l'auteur est de dégager l'exigence et l'essence du lieu à partir d'un exil radical censé déterminer le sujet en son fond même, par opposition à toute pensée du sujet à partir de la centration ou de la présence à soi.
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