Interpréter le monde, transformer le monde. L’alternative est célèbre depuis les Thèses sur Feuerbach. Sa signification suscite pourtant les plus vifs débats, comme si l’ensemble des problèmes relatifs au statut du philosophique chez Marx se condensait dans l’énoncé laconique de la onzième Thèse, comme si le spectre de la philosophie et de la pensée abstraite n’en finissait décidément pas de hanter le(s) marxisme(s). On écarte ici la version exclusive de l’alternative, qui considère que c’est de deux choses l’une : ou l’on théorise comme l’ont toujours fait les philosophes, abstraitement, en reconduisant l’illusion de la primauté des représentations du réel par rapport à ce réel lui-même, ou l’on donne un fondement économico-historique concret à la réflexion en abandonnant le terrain de la spéculation – y compris dans sa variante dialectique (Hegel) – et celui de l’intuition sensible qui croit en être la réfutation (Feuerbach).
Il est certes vrai que Marx dénonce aussi bien la philosophie de Hegel que celle de Feuerbach, mais il est tout aussi vrai que, desManuscrits de 1844 jusqu’aux derniers textes du Capital, il a explicitement reconnu la « grandeur » de la conception du mouvement dialectique du réel chez Hegel, le « génie » d’Aristote en matière d’analyse formelle de l’échange marchand et de la monnaie, ou la profondeur de la « révolution théorique » accomplie par Feuerbach. La question à affronter est donc celle-ci : comment conciliait-il la dénonciation de « l’idéologie » philosophique avec l’hommage au génie, à la grandeur ou au sérieux de philosophes comme Aristote, Hegel et Feuerbach? C’est en suivant cette voie qu’on espère retrouver le principe de l’ontologie de Marx.
Il est certes vrai que Marx dénonce aussi bien la philosophie de Hegel que celle de Feuerbach, mais il est tout aussi vrai que, desManuscrits de 1844 jusqu’aux derniers textes du Capital, il a explicitement reconnu la « grandeur » de la conception du mouvement dialectique du réel chez Hegel, le « génie » d’Aristote en matière d’analyse formelle de l’échange marchand et de la monnaie, ou la profondeur de la « révolution théorique » accomplie par Feuerbach. La question à affronter est donc celle-ci : comment conciliait-il la dénonciation de « l’idéologie » philosophique avec l’hommage au génie, à la grandeur ou au sérieux de philosophes comme Aristote, Hegel et Feuerbach? C’est en suivant cette voie qu’on espère retrouver le principe de l’ontologie de Marx.
Pierre Rodrigo est professeur de philosophie à l’Université de Bourgogne. Il est membre, dans cette université du « Centre Georges Chevrier » (UMR 7366 C.N.R.S.), et membre associé des « Archives Husserl » de Paris.
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