Malgré son ambition, la philosophie politique n'est jamais parvenue à prouver qu'il est rationnel (bon, avantageux pour l'individu autant que pour la collectivité) d'être juste. Ce livre entend évoquer les " personnages conceptuels " ou les " figures " théâtrales mises en scène par les philosophes eux-mêmes afin de mettre à l'épreuve leur théorie de la justice : de tels personnages viennent contredire le discours rationnel du philosophe, et souvent l'accuser d'idéalisme. Cette thèse philosophique s'accompagne d'une thèse sur le présent : la théorie politique contemporaine dominante tend depuis les années 1970 à réduire la figure du " mal " politique, en l'assimilant, sous couvert de théorie du choix rationnel, au " passager clandestin ", qui ne contribue pas à la coopération sociale à la mesure de ce qu'il profite. Or un tel choix est pour le moins contestable, dans la mesure où il laisse dans l'ombre des figures plus " extrêmes " du mal politique : le nazi, le criminel de guerre, le terroriste. A cet égard, la philosophie politique moderne, quoique décidément rationaliste, a mieux cerné le risque que fait courir à la philosophie elle-même l'" Insensé " ou le " raisonneur violent ". Face au risque d'irénisme encouru par la théorie politique, sociale et morale contemporaine, dont le monde semble parfois peuplé de " zombies raisonnables ", il nous faut restituer le rôle de l'expérience tragique au cœur de la philosophie politique.
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