Cerf - Novembre 2023 - Patrimoines
Un regard peut tuer. Il peut rendre muet, anéantir les récoltes, projeter du sang sur un miroir. Qu’on l’appelle « fascination », « mauvais oeil », « Evil Eye », « Böser Blick », « malocchio » ou « jettatura », le pouvoir destructeur du regard est attesté depuis plus d’un millénaire, en divers endroits de la planète, par des croyances, des pratiques et des discours. Au Moyen Âge, c’est dans les sources savantes qu’il a laissé le plus de traces. Philosophes, médecins et théologiens se sont interrogés sur les causes du mauvais oeil. Ils réagissaient à la lecture d’un texte traduit en latin au XIIe siècle : dans son De anima, Avicenne affi rme que l’homme peut agir sur d’autres corps par son seul regard, grâce à la force de son âme. Cette proposition polémique a connu une impressionnante postérité, l’idée d’un pouvoir de l’âme en dehors du corps posant toutes sortes de problèmes aux auteurs latins. La réception de cette doctrine d’Avicenne constitue le fi l conducteur d’une enquête dans les débats et les pratiques savantes du Moyen Âge. L’ouvrage montre comment, dans les années 1140-1440, des intellectuels se sont saisis de la croyance dans le mauvais oeil pour la transformer en un problème scientifique.
Béatrice Delaurenti est historienne et maître de conférences à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. Elle a notamment publié La Contagion des émotions. Compassio, une énigme médiévale (Classiques Garnier, 2016).
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