lundi 7 juin 2010

Dictionnaire de la philosophie russe

Françoise Lesourd (dir.)



Parution : juin 2010
Edition : L'âge d'homme
Collection : "Slavica"
Prix : 77 €

Essayer de comprendre les grandes constantes de la philosophie russe, c’est aban­donner certaines représentations habituelles pour un lecteur occidental – non pas dé­couvrir une différence au sens strict, mais une autre répartition des centres d’intérêt. En 1955, Vycheslavtsev écrivait : « Les problèmes fondamentaux de la philosophie universelle sont aussi, bien évidemment, ceux de la philosophie russe. En ce sens, il n’existe pas de philosophie spécifiquement russe. Mais il existe une manière russe d’aborder les problèmes philosophiques universels, une aptitude proprement russe à les vivre et les prendre en charge. »

Ce Dictionnaire contribue à situer la pensée russe par rapport à l’Europe, et cela dès les origines.

Depuis un demi-siècle, le regard porté sur la Russie ancienne (XIe-XVIIe siècles) s’est transformé, permettant de donner toute sa place à une tradition spirituelle moins tournée vers le raisonnement que vers le silence, la contemplation, l’ascèse – tendance également présente en Occident, mais moins exclusive.

On sait qu’en Russie les contraintes de l’histoire (régimes autoritaires, censure, emprise d’une idéologie totalitaire…) ont pesé particulièrement lourd. Elles sont pro­portionnelles à l’ampleur des questions suscitées. Au XIXe siècle, à travers l’histoire d’institutions telles que les universités, on découvre une peur panique de toute pensée, considérée comme une menace pour l’ordre établi. C’est à cause de ces conditions d’existence que le manque d’une philosophie critique se fait sentir au moins jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle. Mais la faiblesse presque constante de la philosophie institutionnelle explique aussi, peut-être, la floraison de théories parfois très surpre­nantes, originales, non conventionnelles – tradition qui se maintiendra au XXe siècle, où sous la chape de plomb du régime soviétique on découvrira un véritable foison­nement idéologique.

C’est au XXe siècle surtout (en URSS ou dans l’émigration) que la philosophie russe rejoint véritablement la conception occidentale de la philosophie. À côté du marxisme ou des vastes systèmes développant la notion d’unitotalité, on rencontre des phéno­ménologues, des existentialistes… qui, cette fois, ne sont pas des imitateurs. Certains rapprochements sont inattendus. On découvre ainsi que Pascal est au coeur de tout un domaine de la pensée russe.

Ce Dictionnaire fait écho à d’autres entreprises : à la monumentale Histoire de la littérature russe publiée chez A. Fayard, qui a montré que tout panorama un peu ex­haustif de la culture russe ne peut ignorer sa philosophie ; au Vocabulaire européen des philosophies, qui a souligné l’apport original de la Russie sur le plan conceptuel. Mais sa visée propre est de relier les différents concepts originaux à la culture et à l’histoire qui les ont forgés. Dans la refonte de l’original russe, on s’est attaché à faire ressortir la spécificité de cette philosophie et de ses conditions d’apparition. On trouvera parfois même certains grands événements dont l’incidence sur le développement ultérieur de la pensée est indiscutable (par exemple les Décembristes).

L’ambition de ce Dictionnaire est de faire pressentir la richesse d’un domaine philosophique qui commence à se découvrir, de dépasser les jugements ou sympathies convenus, pour proposer un travail de compréhension en profondeur, offrant un nou­vel angle d’approche de la culture russe.

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