Octobre 2012 - Allia - 6,20 €
"La grande objection contre la Torture : son efficacité.
Ce qui forme la cause principale de l'antipathie qui semble si généralement prévaloir, auprès des représentants les plus pondérés de l'humanité, contre cet instrument de gouvernement – et ce n'est sans doute pas une raison à mépriser –, il semble que ce ne soit en fin de compte rien d'autre que sa force extrême, et son extrême efficacité. Elle est à la pharmacie politique ce que le mercure et l'antimoine sont à la pharmacie au sens médical du terme. Cette efficacité est si grande, que par son aide, quelques faibles lumières seront d'ordinaire suffisantes pour permettre au magistrat de dénouer par lui-même les fils les plus finement entremêlés d'un projet criminel, qu'il ait été ou non mis à exécution. Avec cette arme, il peut extorquer l'information à la personne qui la possède certainement : sans elle, le voilà contraint d'aller la mendier, sans garantie de succès, auprès de personnes qui, en supposant même qu’elles soient aussi disposées que possible à la partager, ne la possèdent peut-être pas."
Ce qui forme la cause principale de l'antipathie qui semble si généralement prévaloir, auprès des représentants les plus pondérés de l'humanité, contre cet instrument de gouvernement – et ce n'est sans doute pas une raison à mépriser –, il semble que ce ne soit en fin de compte rien d'autre que sa force extrême, et son extrême efficacité. Elle est à la pharmacie politique ce que le mercure et l'antimoine sont à la pharmacie au sens médical du terme. Cette efficacité est si grande, que par son aide, quelques faibles lumières seront d'ordinaire suffisantes pour permettre au magistrat de dénouer par lui-même les fils les plus finement entremêlés d'un projet criminel, qu'il ait été ou non mis à exécution. Avec cette arme, il peut extorquer l'information à la personne qui la possède certainement : sans elle, le voilà contraint d'aller la mendier, sans garantie de succès, auprès de personnes qui, en supposant même qu’elles soient aussi disposées que possible à la partager, ne la possèdent peut-être pas."
Après avoir révolutionné le système pénitentiaire en donnant
naissance au panoptique, ce modèle de prison circulaire permettant une
surveillance omnisciente et permanente des détenus, le père de
l'utilitarisme et philosophe libéraliste Jeremy Bentham s'attaque, dans
ces deux manuscrits inédits en français, à la problématique de la
torture. Récusant d'emblée la pratique destinée au passage à l'aveu du
présumé coupable, l'auteur se penche sur celle qu'il conviendrait de
réhabiliter pour son pouvoir persuasif. La "contrainte" douloureuse, si
elle est brève mais suffisamment aiguë recouvrirait sa fonction
première, à savoir faire avouer le nom de complices éventuels. Qu'en
serait-il d’ailleurs d'une torture idéale qui, sous sa menace, offrirait
le résultat escompté sans aller juqu'à en user ? Terrifier
efficacement, tel est ce que défend Bentham. Bien que rédigés entre 1770
et 1790, ces deux textes sont là une preuve que la philosophie anglaise
des Lumières peut s'avérer éclairante vis-à-vis de certaines pratiques
encore actuelles
Traduit de l'anglais par Guillaume Coqui.
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