Le transhumanisme a le vent en poupe. Les prouesses et promesses conjuguées de l’informatique et de la biologie se chantent sur tous les tons à la une des médias. En bref : l’homme de demain ne nous ressemblera guère ! Mais cette chanson n’est pas nouvelle. Même revue par la technologie, elle parle toujours, in fine, d’eugénisme et de sélection, thèmes tabous que l’on agitait déjà dans les années 1930. On se demandait alors jusqu’où iraient les machines et si l’homme, dépassé par la science, ne pourrait pas en outre être modifié par elle. Quand le physiologiste Alexis Carrel, prix Nobel 1912, milite pour un eugénisme actif, Jean Rostand évoque le « surhomme » et Teilhard de Chardin l’ « ultrahumain ».
Les racines du transhumanisme ne sont pas exclusivement françaises, mais elles ressortent avec une étonnante netteté de cette analyse, qui les montre croisant et recroisant les autres grandes idéologies du siècle dernier. Les technologies les plus « avancées » posent en termes nouveaux des questions débattues depuis un siècle : l’histoire des idées décrit parfois des boucles inattendues.
Alexandre Moatti, ingénieur en chef des Mines, est chercheur associé en histoire des sciences et des idées à l’Université de Paris (Paris-Diderot), habilité à diriger des recherches.
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