Editions MF - Avril 2022
Ce livre a pour objet la répétition dans la musique. Si la répétition n’est, dans une phrase du langage ordinaire, que pénible et insignifiante redite, et qu’elle n’a jamais, dans le discours, qu’une fonction pauvrement récapitulative, elle trouve au contraire, dans la musique, son lieu d’élection propre. La musique est, en effet, le langage où la répétition, de redondance, se transforme en expression, de désagrément, se change en plaisir ; le langage qui ne cesse de répéter sans que jamais la répétition ne se fasse sentir pourtant.
De ce constat dérivent au moins deux conséquences que le livre s’attache à développer. La première, que développent les trois premières parties, est la remise en cause, ou en tout cas l’examen critique, du concept de rhétorique musicale qui a dominé l’histoire de la musique occidentale du XVIIe siècle à la fin du XIXe siècle. En quel sens la musique peut-elle être qualifiée de discours s’il est vrai que son usage systématique et nécessaire de la répétition semble contredire les principes mêmes de la rhétorique oratoire classique ? Une lecture des textes de Cicéron et de Quintilien permet de comprendre en quoi la répétition comme figure de rhétorique classée, loin de n’être qu’un ornement embellissant le discours, pouvait aussi constituer une forme d’expression nécessaire et insubstituable. La musique répète, ainsi, parce que les figures qu’elle utilise expriment quelque chose qu’aucune autre forme ne pourrait exprimer de la même manière.
Le plaisir que l’on prend à la répétition de ce qui est absolument singulier fait naître dès lors, dans notre perception, quelque chose comme un désir musical. La deuxième conséquence de la répétition dans la musique, elle qui est à la fois omniprésente et inaperçue, tient à la possibilité de penser une théorie du désir dans l’ordre du langage musical. Cette théorie fait l’objet des deux dernières parties. Dans leur singularité, les formes sonores que nous percevons se laissent toujours désirer parce que le désir est fondamentalement désir de retrouver ce que l’on a déjà eu, et la musique peut, par ses usages de la répétition, nous le donner comme aucune autre réalité. Ce livre voudrait ainsi décrire ces formes, constitutives du langage musical, qui ne varient pas mais qui nous attachent cependant aux objets musicaux d’un lien affectif véritable.
Ancien élève de l’École Normale Supérieure de Lyon, agrégé de philosophie et titulaire de plusieurs Prix au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, Quentin Gailhac est doctorant en philosophie et chargé de cours à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
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