Novembre & Décembre 2011
Présentation de l’éditeur
Né en Lituanie, Emmanuel Levinas (1906-1995) est l’un des penseurs les plus influents de notre temps. Après ses études à Strasbourg, où il fut le condisciple de Maurice Blanchot, il suivit en 1927-1928 les cours de Husserl et de Heidegger à Fribourg.
Si Levinas s’inscrit dans le sillage de la phénoménologie husserlienne, son chemin de pensée n’est pas celui d’un épigone, mais ouvre au contraire des horizons nouveaux en articulant le concret phénoménologique de la vie et la rigueur éthique de l’altérité.
En se montrant soucieux de « rechercher l’intrigue humaine ou interhumaine comme le tissu de l’intelligibilité ultime », Levinas a rompu sans retour avec les visées omni-compréhensives « d’une philosophie de l’unité et de la totalité de l’Être appelé Esprit », c’est-à-dire avec le système clos de la Totalité où tout rapport est saisi en termes de savoir ou de pouvoir.
En rupture avec la tradition venue de l’idéalisme, Levinas participe de ce que Franz Rosenzweig appelait la « nouvelle pensée » : pensée nouvelle en ce qu’elle fait droit à ce que la pensée traditionnelle tenait à l’extérieur d’elle-même. Et là où la tradition philosophique tendait à réduire l’autre au même, nous voyons l’écriture de Levinas travailler à ouvrir des brèches dans le corps de la totalité telles que le philosophe, surmontant son allergie à l’autre, puisse, à l’inverse de la tradition, l’accueillir, le laisser surgir. Des percées d’extériorité...
Là où la tradition déduisait l’éthique de la connaissance ou de la Raison, on rencontre chez Levinas une conception renouvelée, voire révolutionnaire de l’éthique.
Loin de prendre son origine dans un universel, dans la compréhension ou la connaissance, l’éthique apparaît dans la relation spécifique où le Je rencontre le Tu.
Cela dit, lire Levinas aujourd’hui nous engage à résister à la banalisation et à l’idéologisation de sa pensée qui conduit à voir en lui le penseur du « tout éthique ». Derrière cette thèse qui relève d’une simplification outrancière, il s’en cache une autre selon laquelle la sortie du totalitarisme devrait entraîner aussitôt une dépréciation de la politique, comme si le totalitarisme consistait en un excès, une excroissance de la politique et non en sa destruction systématique.
Or Levinas, loin d’avoir recours à l’éthique pour déprécier la politique, invente plutôt entre les deux sphères une articulation originale qui vise à rendre à la politique sa consistance et sa dignité, à renouveler en quelque sorte la question politique.
Sommaire
- Danielle COHEN-LEVINAS : Levinas en plusieurs temps.
- Jacques TAMINIAUX : Une autre phénoménologie.
- Miguel ABENSOUR : Penser l'humain.
- Emmanuel LEVINAS : Visage et violence première.
- Marc CRÉPON : Cette tumeur dans la mémoire.
- Jean-Luc NANCY : Éros, une fois encore.
- Edoardo FERRARIO : L’heure où Pénélope commence à défaire sa toile.
- Ginette MICHAUD : Bruissement, oblitération, percée.
- Hagi KENAAN : Le langage comme proximité.
- John McKEANE : Réverbérations.
- Pierre ZAOUI : L’entre-deux infini.
- Évelyne GROSSMAN : Faute de langue…
- Bettina BERGO : Chair métaphysique, chair de forces.
- Patrick HOCHART : Les nourritures terrestres.
- Raoul MOATI : L’intentionalité à l’envers.
- Gérald SFEZ : L’infini, là où il est temps.
- Marc GOLDSCHMIT : La contra-diction, folie éthique dans l’ontologie.
- Alain DAVID : Énigme et phénoménologie.
- Danielle COHEN-LEVINAS : Passer infiniment la justice.
- David BREZIS : Messianisme et pensée sacrificielle.
- Dan ARBIB : « Un certain athéisme ».
- David PÉREZ : Révélation du visage et Révélation biblique.
- Marc de LAUNAY : Dialectique du rite.
- Silvano FACIONI : « Un, Élohim parle ; deux, ceci, je l’entends ».