L'Herne - Février 2023
Les textes de ce recueil proviennent des colloques des Intellectuels juifs de langue française, auxquels Vladimir Jankélévitch participa assidûment à partir de 1957. Ces colloques se proposent de mettre à distance un certain pessimisme d'après-guerre et de (re)donner un sens à un judaïsme rescapé de l'anéantissement au travers de nouvelles réflexions et interrogations. Ainsi prennent place les conférences de Vladimir Jankélévitch tout en témoignant de son attachement à Israël, à la conscience juive et à sa complexité. Remontant le fil de sa propre histoire, il donne à lire dans ces textes sa vision du judaïsme.
Extrait : "Si les Juifs n'existaient pas, il aurait fallu les inventer, il aurait fallu fabriquer un peuple mystérieux et disséminé comme nous le sommes, par rapport auquel l'homme puisse avoir des sentiments qui ne ressemblent pas à d'autres, qui ne se laissent pas banaliser et qui subsisteront jusqu'à la fin des temps. [...] L'homme juif est deux fois absent de lui-même et en cela on pourrait dire qu'il est l'homme par excellence. Qu'il est deux fois homme. Deux fois plus humain qu'un autre homme par ce pouvoir d'être absent de soi-même et d'être un autre que soi. L'homme n'est un homme que parce qu'il devient sans cesse ce qu'il est et parce qu'il est de ce fait sans cesse un autre. Mais il y a dans le fait d'être juif un exposant supplémentaire d'altérité qui réside dans le fait d'échapper à toute définition. Nous, qui revendiquons notre judaïsme, qui tentons de le retrouver en nous dans sa dimension essentielle, nous protestons lorsqu'on nous définit par cette qualité de juif, et nous estimons que c'est une des marques de l'antisémitisme de considérer le juif comme juif et de ne vouloir le considérer que comme tel. C'est une des marques de l'antisémitisme que de vouloir enfermer le juif dans son étroitesse juive, de ne le définir que par cette qualité – que pourtant nous revendiquons."
Philosophe et musicologue français, né dans une famille d'intellectuels russes, Jankélévitch entre en 1922 à l'École normale supérieure où il étudie la philosophie. Il rencontre en 1923 Henri Bergson avec qui il entretiendra une longue correspondance et à qui il consacrera un ouvrage en 1930. En 1941, pendant la guerre, il part à Toulouse où il s'engage dans la Résistance et donne des cours de philosophie clandestinement. Il devient titulaire de la chaire de philosophie morale à la Sorbonne de 1951 à 1979.
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