Classiques Garnier - Mai 2023
Mobiliser de nos jours la notion de « preuve par l’image » suscitedeux considérations distinctes. D’un côté, elle renvoie à des tendances actuelles et à des séquences politiques récentes, notamment en France avec le mouvement des Gilets jaunes ou aux États-Unis avec la mort de George Floyd : face aux violences policières, le premier réflexe semble désormais de sortir son téléphone portable pour filmer et, en effet, sans les 8 minutes 46 secondes enregistrées par une lycéenne de Minneapolis et montrant l’agonie de Floyd, la mort de celui-ci n’aurait certainement pas eu le retentissement politique qu’elle devait avoir. Aussi le recours à l’image comme preuve semble-t-il plus que jamais d’actualité, réactivé à la fois par les possibilités du numérique et un contexte contemporain de défiance envers les discours d’autorité. Mais, de l’autre côté, on peut également avoir le sentiment que cette question de la « preuve par l’image» est loin d’être nouvelle et qu’elle recouvre en réalité un ensemble de problématiques qui, depuis longtemps, interrogent le rapport de l’image au savoir et à la vérité, renvoyant tout autant à ses usages documentaires, à son pouvoir de conviction ou même aux vieilles lunes de la prétendue objectivité de la prise de vue, fixe ou animée. La nouveauté des phénomènes ne suffit pas à garantir celle de la problématique, et il convient donc de préciser ce qu’il faudra entendre ici par «preuve par l’image ».
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