samedi 6 novembre 2010

Une Philosophie du "temps à l'état pur". L'autofiction chez Proust et Jutra

Thomas Carrier-Lafleur

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Presses de l'université Laval, coll. "Zêtêsis", septembre 2010 – 30 €

Cette étude s'inscrit dans la lignée des travaux sur l'autofiction. L'approche méthodologique en est une d'intermédialité littéraire et cinématographique sous l'éclairage conceptuel de la poétique et de la philosophie. Les deux objets d'étude sont le film À tout prendre (1963) du cinéaste Claude Jutra et le roman À la recherche du temps perdu (1913-1927) de Marcel Proust, cité par le cinéaste à un moment clé de son long métrage.

Proust convie la philosophie, et plusieurs penseurs ont répondu à l'appel : Henry, Kristeva, Merleau-Ponty, Ricardou, Ricoeur, Sartre et bien d'autres, dont Gilles Deleuze – aux travaux duquel ce livre est particulièrement attentif –, dans un premier temps, par son ouvrage Proust et les signes ; dans un deuxième temps, par ses deux écrits sur le cinéma, Cinéma 1 et Cinéma 2, respectivement sous-titrés L'image-mouvement et L'image-temps.

L'« image-temps » s'est justement construite à même la matrice proustienne, à partir de l'expression « un peu de temps à l'état pur », formule qui précède le passage du Temps retrouvé que Jutra incorpore dans À tout prendre. Le nouveau rapport au temps que met en lumière l'image-temps deleuzienne est ainsi redevable à l'esthétique d'À la recherche du temps perdu. C'est aussi grâce à cette filiation proustienne que Jutra a fait d'À tout prendre un film d'image-temps.

Le présent essai s'emploie ainsi à démontrer qu'À la recherche du temps perdu est une autofiction, tout comme, par une secrète correspondance, À tout prendre, un film proustien donc, qui, par une remarquable inversion de la temporalité, révèle, philosophiquement, un côté Jutra de Proust et, radicalement, une commune expérience autofictionnelle du pouvoir créateur de l'art, seul capable d'engendrer le je véritable et la richesse surréelle de son monde.

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