Le Phédon est un « dialogue extrême », qui nous montre un Socrate philosophant « en présence de la mort ». L’affirmation bien connue depuis, selon laquelle philosopher serait apprendre à mourir, empêche trop souvent d’entendre la tension à l’œuvre dans le récit de la dernière journée de Socrate. Face à la mort, Socrate est vivant, on ne peut plus. Il rit, pense, se meut, frotte ses jambes, rassure les amis qui l’entourent, fait preuve d’ironie et d’humour ; plus que tout il parle.
Dans la lecture qu’il propose du Phédon, Benny Lévy prête une attention sans faille à ce que Platon donne à voir et à entendre de la posture socratique. Car, chez Platon, le savoir est inséparable de la façon dont il se donne. Benny Lévy remarque ainsi que toutes les grandes articulations du dialogue sont scandées par des changements de position du corps de Socrate, de ce corps qui, bientôt, se raidira sous l’effet de la ciguë. Il se demande pourquoi Socrate chasse son épouse éplorée, dévastée par sa mort prochaine ; ou encore quel est le sens de ce rêve qu’il veut à tout prix interpréter à nouveau avant de mourir et qui l’invite à « composer » ou à « faire de la musique ». Sa lecture tient que les formules les plus abstraites et les plus théoriques ne sauraient, pour être comprises vraiment, être séparées de leur signification existentielle, que c’est à cette aune qu’il faut en éprouver la pertinence. Complexe de ce fait, elle vise pourtant à retrouver la simplicité : « Lire, c’est redevenir simple, frôler la naïveté. Il faut beaucoup de ruses de lecture pour retrouver cette naïveté. »
Le dialogue « extrême » appelle une lecture extrême, scrupuleusement soucieuse de la lettre du texte et qui tient qu’au cœur de cette lettre se donne toujours un au-delà : celui de la vie de la pensée.
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