L’ambition de ce livre est à la fois de mettre en lumière un objet esthétique inédit dont l’histoire n’a jamais été faite – un corps dont la chair se corrompt ou s’est déjà totalement corrompue –, et d’isoler une nouvelle catégorie esthétique, irréductible à celles de l’immonde et de la laideur. Dans ce but, il propose un parcours historique aussi complet que possible, de l’art macabre médiéval jusqu’au bioart contemporain, en passant par l’esthétique anatomique de la Renaissance, les Vanités de l’âge classique et la littérature de la Belle Époque. Il s’interroge également sur les raisons pour lesquelles la mort humide n’a presque jamais réussi à trouver un mode de représentation adéquat, et défend la thèse qu’une telle résistance tient aussi bien à une certaine conception de ce qu’il advient du corps après sa destruction qu’à l’appréciation de la portée cognitive de l’art. Comme Aristote et les théoriciens contemporains d’esthétique environnementale ont su le comprendre, la formation d’une esthétique de la charogne requiert que la nature soit donnée à voir comme une scène de fermentation et de maturation permanente, où les forces auxquelles succombent les organismes individuels sont celles-là mêmes qui déterminent essentiellement le surgissement de la vie sous toutes ses formes.
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