Pour expliquer la montée des forces populistes – Trump, le Brexit, le Front national, Orban… – les experts invoquent l’avènement de la « post-vérité ». Ce concept connaît une inflation galopante, couronnée par le titre de « mot de l’année 2016 » décerné par le prestigieux Dictionnaire d’Oxford, lequel définit ainsi la post-vérité : « Des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles.»
Ceux qui utilisent la notion de « post-vérité » considèrent que le monde est entré dans une nouvelle ère au cours des années 2000 : l’empire des fake news. Cette ère se caractérise selon eux par la multiplication des contre-vérités outrancières professées par les dirigeants politiques (séquence inaugurée par le flacon de Colin Powell) et par l’indifférence des peuples à l’égard de la vérité. Extrémisme, complotisme et populisme seraient les preuves irréfutables que la vérité est en train de s’éroder.
Faut-il croire cette analyse ? Pas selon Manuel Cervera-Marzal.
En retraçant la généalogie de cette notion, ce livre soutient une thèse forte : cessons de craindre l’avènement de la « post-vérité ». Car la première vertu d’un citoyen est de savoir mentir, de déformer la réalité afin de la transformer. Et si la post-vérité – et son frère jumeau : le populisme – ne constituaient pas une menace pour la démocratie mais, au contraire, la possibilité de sa régénération ?
Manuel Cervera-Marzal est philosophe et sociologue, chargé de recherches au FNRS (Belgique) et post-doctorant à l’Université d’Aix-Marseille. Il est l’auteur de six ouvrages, parmi lesquels Pour un suicide des intellectuels (Textuel, 2016) et Les nouveaux désobéissants : citoyens ou hors-la-loi ? (Bord de l’eau, 2016). Il mène actuellement une étude comparée de trois partis politiques européens : Podemos, la France Insoumise et le Parti du Travail de Belgique.
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