Ce double numéro de Noesis est consacré à la position philosophique de la question « Qu’est-ce que l’Europe ? » et à l’élaboration collective d’un concept d’Europe.
Ce choix résulte du constat de l’accumulation de ce qu’il est convenu d’appeler « les crises européennes » depuis dix ans. Dites « grecque », « des dettes souveraines », « de la zone Euro », « ukrainienne », « des réfugié-e-s », « sécuritaire » ou encore « Brexit », leur violence et leur imbrication sont telles qu’elles paraissent relever d’une même crise plus profonde de l’Europe en tant que telle, et requérir, pour leur compréhension et leur surmontement, un examen global.
La forme de ce constat n’est certes pas nouvelle : en 1935 déjà, dans La crise de l’humanité européenne et la philosophie, Husserl thématisait « la crise de l’humanité européenne », faisant d’ailleurs aussi remarquer la récurrence « du thème […] de la crise européenne ». Mais précisément, la récurrence de cette récurrence ne prouve-t-elle pas l’ancienneté et la radicalité de la crise actuelle de l’Europe, l’ancienneté de son irrésolution aussi et donc la nécessité, pour la surmonter, de répéter, différemment, la tentative de la comprendre ?
Le titre de ce numéro – Europe – signifie la proposition, pour cela, de procéder avec la simplicité adéquate à la radicalité supposée de la crise, en demandant pour commencer ce qu’il faut comprendre sous le nom d’Europe. Il s’est agi d’élaborer collectivement un concept correct d’Europe, dont il était su au moins que, loin de sa formulation par Husserl comme « téléologie historique des buts infinis de la raison », il intégrerait l’incompréhension européenne de la situation européenne, et qu’il requerrait donc, pour son élaboration, les perspectives des extériorités de l’Europe et une autre méthode.
Introduction
Salim Abdelmadjid, « Qu’est-ce que l’Europe ? Différence de la noèse et de l’Europe. ».
I. Historiophilosophie de l’Europe
Marie-Hélène Desmeules, « L’Europe et les étrangers. Le retour de Husserl aux origines grecques de la raison théorique. ».
Caroline Anthérieu-Yagbasan, « Zweig et l’Europe : culture contre nationalismes. ».
Romain Bertrand, « Une question allemande. Europe et philosophie chez Lacoue-Labarthe. ».
Quentin Badaire, « L’Europe selon Deleuze et Guattari : une histoire de flux et de déterritorialisation. ».
II. Géophilosophie de l’Europe
Jacques Lévy, « Europe : une géographicité. ».
Salim Abdelmadjid, « Un concept africain d’Europe ».
Samuel Marie, « L’Europe au miroir du Japon : l’Europe comme modèle et contre-modèle dans la pensée politique de l’école de Kyoto. ».
Perrine Simon-Nahum, « Les Juifs et l’Europe. Retour en diaspora ? ».
Sophie Guérard de Latour, « L’expérience du multiculturalisme en Europe : une lecture critique à partir de la minorité rom. ».
Camille Louis et Étienne Tassin, « L’Europe au prisme de son rapport aux autres ».
III. Épistémologie de l’Europe : l’Europe et les disciplines
Dominique Combe, « « Désormais il faut avoir l’esprit européen… » : La littérature européenne, entre littératures nationales et littérature mondiale ».
Jean-Louis Halpérin, « L’Europe comme concept juridique ? ».
Alexis Cukier et Davide Gallo Lassere, « Les crises de la construction européenne : une approche multidimensionnelle. ».
IV. Philosophie politique de l’Europe
Philippe Crignon, « Penser philosophiquement l’Europe à partir d’elle-même ».
Mathilde Unger, « L’intégration par le droit dans la littérature postnationale sur l’Union européenne ».
Céline Spector, « Pourquoi l’Europe a-t-elle besoin d’une généalogie ? ».
Aliénor Ballangé, « Généalogie de l’Europe : le moment communautaire. ».
Céline Jouin, « La constitution matérielle de l’Europe. Par-delà le pouvoir constituant. ».
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