La pensée de la manifestation, dans une philosophie de la révélation, trouve devant elle, transmise par la tradition, la difficulté d’un apparaître unique, l’apparaître de celui que « personne n’a jamais vu » (Jean, 1, 18). Apparition, « gloire », ou « majesté », Herrlichkeit, elle est l’apparition de celui qui reçoit, dans les traductions de la Bible, le nom de « Seigneur », Herr. Cette question, l’examen philosophique, avec la liberté qui lui est propre, la recueillera comme l’une de ses difficultés phénoménologiques majeures, qui concernera, avec une telle majesté, tout apparaître. L’idéalisme allemand, à travers Luther, n’a pas cessé d’en étudier l’héritage, dans la question qu’il fit sienne concernant le sens du mot « esprit », et à nouveau, après lui, Kierkegaard et Franz Rosenzweig. Tout le chemin de ce livre se rassemble une première fois dans la grande confrontation entre Karl Barth et Martin Heidegger, dont l’opposition irrévocable au Dieu d’Israël va précisément au « seul Seigneur » de Barth, avant qu’à la fin le Dieu, selon Erich Przywara, n’apparaisse sous les traits du Non-Dieu, et que la majesté du « Seigneur » ne se donne, en personne, dans la simplicité du serviteur. Il se découvre alors que la seigneurie n’avait pas d’autre sens que la liberté, en sa souveraineté, en sa décision. La liberté en tant que seigneurie est la liberté d’apparaître, la liberté qui est source de l’apparaître et qui s’avance, sous le nom de « Seigneur », dans l’apparaître lui-même.
Emmanuel Cattin est professeur de métaphysique à Sorbonne Université.
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