Créer suppose la réunion de deux sortes de savoir : commencer et continuer. Une condition indispensable pour la création est d'abord qu'elle soit voulue, résulte d'une intention vive. Cette dernière situe au plus loin du vœu pieux ou de la chimère, car il lui faut composer, sans rien céder d'essentiel, avec des conditions souvent imprévisibles. Ce n'est qu'à ce prix qu'une création touche le réel et satisfait ensemble à deux partis pris : celui de la liberté et celui des choses. L'expérience est une traversée qui enseigne la limite et sa transgression. L'esprit aussi bien que le cœur, voire le corps lui-même, ont à se frotter à une extériorité multiple. L'intention qui préside à l'acte créateur, loin d'être figée comme un a priori, ressemble à un axiome souple apte à s'infléchir sans perdre sa ténacité. L'intentionnalité se reconnaît, trempée par l'expérience, à son art de serpenter. La création est une négociation, mais pas un compromis. Ni le réel n'admet d'être dénié, ni le vouloir d'être rogné. C'est ce que s'efforcent de rendre manifeste six chapitres, six accès au problème : par l'origine, par l'émotion, par l'expérience, par le jeu, par le médium, par le lieu enfin, demeure de l'œuvre.
Michel Guérin, professeur émérite d'AMU et membre honoraire de l'Institut universitaire de France, est écrivain et philosophe. Auteur de quelque trente ouvrages théoriques, sa réflexion porte essentiellement sur la question du geste et développe une problématique de la figuration et de la création.
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