mercredi 8 janvier 2014

Péguy point final

Benoît Chantre


Editions du Félin - Coll. Les marches du temps - Janvier 2014

1914, commencement de la guerre, mort de Charles Péguy, le 5 septembre, au début de la bataille de la Marne. Mais l’histoire continue, et tente de le reprendre. De Gaulle voulut le « panthéoniser ». Péguy reste enterré près de Meaux au côté de ses hommes. Reste à l’arracher à sa légende, à déboutonner l’uniforme pour faire apparaître l’énergie d’une langue et l’acuité d’une pensée. Point final aux contresens qui ont entouré l’homme et l’œuvre. 
Point final, mais aussi point de fuite : Péguy échappe à l’histoire. Son œuvre ne s’y inscrit qu’en la dépassant. La mort héroïque n’est pas évacuée, mais n’est pas non plus une fin en soi. Elle est l’horizon différé de son écriture, l’événement répété dans des proses souvent posthumes, où Péguy pense l’histoire et défait l’héroïsme napoléonien. On découvre comment il voulut se sauver de et dans l’histoire. Pas de fin, donc : ouverture, où tout reprend. 
Point d’origine, alors : Péguy prit les histoires à rebours pour atteindre le moment où l’éternel soudain s’incarne dans le temporel. Ainsi l’affaire 
Dreyfus n’est pas ce qu’en ont fait les politiques : remonter à son commencement, c’est entendre la révolution morale dont elle était porteuse. De même pour l’histoire de France, du peuple juif ou du christianisme. Revenir en amont de toutes les fondations, c’est relancer les possibles, ici et maintenant. 

Benoît Chantre est docteur ès lettres et éditeur. Président de l’Association Recherches Mimétiques, il est fellow de la Fondation Imitatio (San Francisco) et membre associé du Centre international d’études de la philosophie française contemporaine (CIEPFC-ENS Rue d’Ulm). Auteur de plusieurs livres d’entretiens (Achever Clausewitz avec René Girard, Le Choix de Pascal avec Jacques Julliard, La Divine Comédie avec Philippe Sollers), il a publié des articles sur Bergson, René Girard, Levinas, Péguy ou Simone Weil.

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