À la différence des moralistes, Pascal n’entend ni éradiquer l’amour, ni en décrire les effets. Mais il pose la question décisive : à quelle condition l’amour peut-il être juste? Un amour juste est un amour bien réglé, qu’il s’agisse d’aimer Dieu, le prochain ou moi-même – car la philosophie du Grand Siècle n’est pas une philosophie de l’oubli de soi. Et pour régler l’amour qu’on se doit à soi-même, il faut « s’imaginer un corps plein de membres pensants », et conformer l’amour de soi à l’amour du tout, le corps, pour chaque partie. La définition cartésienne de l’amour permet alors de penser l’exigence paulinienne, par où Pascal renouvelle profondément la tradition de l’ordo caritatis et du corps mystique, dont ce livre analyse les grandes mutations. Ainsi, pour spirituelle qu’elle soit, la doctrine pascalienne de l’amour n’obéit-elle pas moins à une requête philosophique : penser l’unité.
Ancien élève de l’ENS de Pise, docteur en philosophie, traducteur et éditeur de Montaigne, Alberto Frigo est l’auteur de nombreux articles d’histoire de la philosophie et d’esthétique.
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