Se recevoir les uns les autres, c’est la marque de l’amitié. Pour elle, par elle, nous donnons et recevons des visites. Hospitalité ordinaire. Mais recevoir des inconnus, des étrangers, n’est-ce pas autre chose ? Et autre chose encore d’en recevoir un, plusieurs, beaucoup ; pour un temps ou pour toujours. Devons-nous accueillir les inconnus inconditionnellement – du seul fait qu’ils nous le demandent – au nom de ce que Jacques Derrida appelait la Loi de l’hospitalité, dont il est tentant de chercher une illustration dans l’hospitalité des Anciens ? Mais ce n’est plus notre monde. Au nom de quoi, alors ? De notre commune humanité ? Encore faut-il qu’elle s’accorde avec les normes de la commune socialité, sauf à servir de travestissement à des visées mercantiles ou criminelles, voire à alimenter l’envers de la philoxenia : la xenophobia, la haine de l’étranger.
Que de contradictions traversent l’hospitalité contemporaine ! Peut-être, et tel est le pari de ce numéro, cesserions-nous de naviguer à vue si nous nous dotions d’une bonne boussole : celle du don et de la norme de l’inconditionnalité conditionnelle. Elle nous invite à reconnaître la pluralité des formes du don d’hospitalité, leurs ambivalences et leurs tensions. Nous pourrions alors renouer, sans irénisme, avec cette morale maussienne qui veut qu’on donne beaucoup à recevoir et qu’on reçoive beaucoup à donner.
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