Il y eut la fabuleuse croissance économique et industrielle des décennies d’après-guerre. Il y eut l’utopie communiste puis celle, libertaire, des années soixante-dix. Comme tout ce qui pouvait susciter une espérance, tout cela est mort. Il n’est plus question que de pollution gigantesque, de dérèglement climatique, d’invasion par les pauvres, de postures belliqueuses. Tout ce qui peut paraître désespérant est présenté comme inéluctable ; tout ce qui pourrait nourrir une espérance serait illusoire. En conséquence, la politique, cet art du possible, ne suscite plus que scepticisme, dégoût ou indifférence. À défaut d’espoir, les électeurs se tournent en masse vers des populistes. D’autres se réfugient dans un ultracisme religieux. Bref, le temps est aux discours apocalyptiques. Pourtant, il n’est pas impossible de retrouver l’espérance. D’abord, se convaincre que le pire n’est pas inéluctable. À ceux qui proclament que le « réalisme » impose ceci ou cela, il faut montrer que d’autres voies sont possibles, pourvu que l’on y croie, qu’on veuille réaliser ce que l’on souhaite, qu’on s’en donne les moyens. Ensuite, se convaincre que la perte de l’espérance est la voie la plus sûre vers la catastrophe que l’on dit redouter. Croire celle-ci inéluctable, c’est en préparer la venue. Voilà pourquoi l’espérance est un devoir.
Marc Lebiez est philosophe et helléniste. Il a publié Les premiers temps modernes, Le culte du nouveau, Transcendance de l’État chez Kimé.
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