Que Montesquieu ait le genre d'esprit de Montaigne, comme on a pu le dire à propos de l'auteur de "L'esprit des lois", signifie en premier lieu que l'histoire de tous les hommes qui ont vécu s'offre d'abord pour lui comme une sorte de présent universel. L'écoulement temporel n'implique pas que l'histoire du monde soit partagée en époques. Et les faits historiques se disposent dans un milieu temporel homogène. Ainsi Montesquieu rompt-il radicalement avec la conception chrétienne de l'histoire qui suppose, quant à elle, des époques et donc une altération radicale de notre rapport au temps historique à partir de la venue du Christ. Mais Montesquieu pense évidemment le rapport de l'avant et de l'après, la différence de l'Ancien et du Moderne. L'enjeu est alors de comprendre comment cette différence peut être prise en compte sans faire intervenir un partage des époques de l'histoire universelle. Montesquieu est un jurisconsulte et un historien du droit. Et c'est dans la connaissance du droit français et du droit romain, de leur filiation, qu'il trouve les concepts qui président à l'interprétation de l'histoire. Il y découvre en particulier un modèle de production du droit qui est celui de l'équité romaine et du droit prétorien ainsi qu'une certaine idée de la nouveauté qui se manifeste comme retour d'un passé occulté et non sous la forme d'un commencement absolu. Sous cette double hypothèse, les concepts de la philosophie politique et les faits de l'histoire universelle s'ordonnent dans "L'esprit des lois" en vue de la constitution d'une "summa ratio" qui n'est pas celle d'un législateur, mais plutôt de l'esprit législateur à l'oeuvre dans l'histoire.
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