Orages / Atlandes - Avril 2022
En 1802, Chateaubriand ouvrait le siècle avec la publication du Génie du christianisme. Soucieux de s’adapter à un public qui s’était éloigné de la foi de ses ancêtres, il y développait une apologétique qui faisait appel à la mémoire d’une culture commune et qui visait surtout à ramener ses contemporains à Dieu par la voie du sentiment et de l’imagination. Il s’agissait pour lui de persuader du « génie » d’une religion qui pouvait se prévaloir d’avoir toujours été favorable aux lettres et aux arts, en préservant le sens du mystère et en renouvelant la dramaturgie des passions aussi bien que la veine descriptive.
Est-ce à dire pour autant que le Génie du christianisme faisait rupture ? Les articles recueillis dans ce numéro reviennent sur le dialogue établi dès le xviiie siècle entre philosophes et défenseurs de la religion, et ils rappellent que des apologistes avaient déjà choisi de louer l’excellence des œuvres inspirées par le christianisme. Du reste, rien ne montre mieux que la promotion de cette religion par son rapport fécond à la création littéraire et artistique était dans l’air du temps dans les années 1800 que la publication concomitante de l’essai de Pierre-Simon Ballanche aujourd’hui oublié, Du sentiment considéré dans ses rapports avec la littérature et les arts. Un extrait en est ici reproduit.
Sans être totalement neuve, la « poétique » insérée dans le Génie du christianisme et illustrée par les récits, Atala, René, n’en suscita pas moins un enthousiasme dont se font écho les lettres peu connues de la romancière Sophie Cottin. Pour d’autres, comme Pigault-Lebrun, le livre de Chateaubriand fut l’occasion de renouer avec la verve satirique des ennemis de l’Église.
Ce numéro d’Orages fait entendre ces polémiques qui, sous la plume de Senancour ou de Germaine de Staël, inscrivent la religion au cœur du débat idéologique des années 1760-1830. De la dévote qu’avait déjà mise en scène le roman du XVIIIe siècle à l’athée dont Stendhal sonde le mal-être, des opéras bibliques de l’Empire au tableau de Louis Hersent Ruth et Boaz, il se veut une invitation à explorer la présence de la matière religieuse au cours de cette période dans la fiction et dans les arts.
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